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même homme, il faut convenir qu’ils appartiennent à une même école poétique, qu’ils supposent les mêmes mœurs et un état de la société absolument semblable. Ainsi tombe la première assertion qui déciderait à priori l’impossibilité d’une Iliade.

Restent les graves contradictions que je viens d’indiquer. M. Grote les explique par la fusion de deux épopées originairement distinctes, puis réunies dans la suite. L’une avait eu pour sujet la colère d’Achille, l’autre le siège de Troie. Si l’on relit l’Iliade avec cette donnée-là, les contradictions et l’incohérence de certaines parties s’expliqueront fort naturellement. L’Iliade, dit M. Grote, peut se comparer à un édifice bâti d’abord sur un plan resserré, qui s’est agrandi par des additions successives. Le plan primitif ne comprenait qu’une Achilléide, et à ce plan se rapportent le premier chant, le huitième, puis douze autres de suite, depuis le onzième jusqu’au vingt-deuxième inclusivement. On peut y réunir encore les deux derniers chants, qui toutefois ressemblent un peu à des hors-d’œuvre ajoutés après coup. Voilà pour l’Achilléide. Les six chants, depuis le second jusqu’au huitième, puis le dixième, constituent les fragmens d’une autre épopée, sur la guerre de Troie, d’une Iliade à proprement parler, et ces fragmens auraient été fondus dans l’Achilléide par une édition postérieure, si l’on peut s’exprimer ainsi. Quant au neuvième chant, qui raconte la tentative infructueuse des Grecs pour ramener Achille aux combats, ce serait dans l’opinion de M. Grote une addition postérieure, fabriquée peut-être pour relier les deux poèmes l’un à l’autre, invention d’autant plus malheureuse, qu’elle ne sert, comme on l’a vu, qu’à manifester plus évidemment leur manque de liaison. Tout le monde peut apprécier maintenant l’hypothèse de M. Grote. Elle me semble la plus ingénieuse comme la plus satisfaisante qui ait été encore proposée.

Les différentes questions dont je viens de rendre compte occupent la plus grande partie des deux premiers volumes ; aux derniers chapitres du second volume seulement commence l’histoire de la Grèce proprement dite, histoire encore fort obscure et empreinte des couleurs poétiques de la légende ; on voit déjà percer cependant à travers bien des nuages un fonds de réalité qu’il appartient à la critique de mettre en évidence. Cette seconde partie contient d’abord une description géographique de la Grèce et l’examen des différentes races qui se partagèrent autrefois son territoire. Vient ensuite l’exposé de la grande révolution qui changea la position des peuples et qui donna lieu à l’établissement de nouvelles institutions sur toute la surface du pays. Le Péloponnèse, occupé, au temps d’Homère, par la race achéenne, est envahi par les Doriens et les Étoliens, qui se fixent à demeure dans la plupart de ses provinces.

Selon les auteurs qui rapportent cette expédition, les Doriens partent de l’Histiéotide, petite contrée entre le Pinde et l’Olympe, qui d’ailleurs