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de ses propriétés, quelques-uns de ses phénomènes, ou l’action bienfaisante ou destructive qu’ils exercent. Quelquefois un dieu représentera l’inventeur des arts ou plutôt les arts eux-mêmes ; il sera le législateur d’un peuple, souvent il sera ce peuple lui-même.

En voilà bien assez, et trop peut-être, sur un sujet qu’il est difficile de traiter sans d’immenses développemens ; je m’arrête pour revenir à l’Histoire de la Grèce. De quelque manière qu’on les envisage, les aventures des héros et même celles des dieux offrent toutes un fonds de vérité que ne pouvait méconnaître l’esprit observateur de M. Grote. Cette vérité, on la trouve dans le tableau de mœurs transmis par ces légendes, et l’on ne peut douter qu’elles ne nous donnent des renseignemens exacts sur la société dans laquelle elles s’accréditèrent. Soit qu’on les considère comme des allégories ayant un sens caché, soit qu’on n’y veuille voir que des contes faits à plaisir, restera toujours la forme même du récit empruntée à la nature. Romanciers, poètes et mythographes ne peuvent prendre autre part leurs ornemens et leurs couleurs. M. Grote a noté avec beaucoup de soin et de sagacité les traits principaux de la civilisation héroïque, et, pour en faire ressortir davantage les singularités, il la compare souvent à la civilisation grecque des temps historiques. Il montre qu’une grande révolution s’est opérée dans l’intervalle de temps inconnu qui sépare les deux époques. Dans la première, le pouvoir des chefs est immense ; quelquefois, il est vrai, ils prennent l’avis des anciens de leur tribu, mais leurs décisions sont toujours sans appel. Aux monarchies barbares succéda l’autorité de l’agora ou assemblée du peuple. Plus de rois dans la Grèce historique, leur nom même est voué à l’exécration, et l’assassinat de quiconque aspire à la royauté est proposé à la jeunesse comme l’action la plus noble et la plus méritoire. Ce n’est qu’à Sparte que les rois se sont conservés, mais de leur ancien pouvoir ils n’ont retenu que le privilège de commander les armées, et ils l’exercent sous la jalouse surveillance d’une puissante aristocratie. Chez les mythographes, les rois jouent parmi les mortels le rôle de Jupiter dans l’Olympe, ou plutôt leur Olympe est l’image d’une ancienne cité hellénique. Ils donnent à ces pasteurs d’hommes toutes les qualités qui conviennent à un âge grossier, beauté, force physique, valeur ; ils n’oublient pas l’éloquence. Le roi doit commander dans les assemblées par la puissance de sa parole, autant que dans les combats par la terreur de son bras. L’éloquence forme ainsi la transition entre l’âge des héros et les temps historiques. Elle était destinée à remplacer la force brutale et à devenir chez les Grecs le fondement de toute autorité.

Si le pouvoir des chefs paraît absolu dans les temps héroïques, la religion n’a pas encore réuni tous les individus composant une nation dans un culte général. Le sentiment d’obligation envers les dieux ne se