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Chez les modernes, plus d’une tentative d’explication s’est reproduite : d’abord le système d’Évhémère ; c’est le plus commode, et je me souviens que notre professeur de grec, en nous faisant traduire la fable d’Orythie enlevée par Borée, nous avertissait que cette jolie histoire était fondée sur une anecdote vraie, mais qu’il s’agissait tout bonnement d’une jeune fille qui se promenait imprudemment sur un rocher à pic, lorsque le vent, s’engouffrant dans sa robe, la précipita. Cela est bon pour celui qui voulait écrire en madrigaux toute l’histoire romaine. — D’autres érudits ont pensé encore que les mythes cachaient un sens sublime, dont quelques adeptes avaient seuls la connaissance. La lettre des légendes formait, disent-ils, la religion du peuple : les honnêtes gens et surtout les initiés aux mystères possédaient le sens caché ; mais le secret a été bien gardé, comme il semble. — Enfin Dupuy, frappé de certaines formes sans cesse répétées dans la plupart des mythes, fit un gros livre pour prouver que la mythologie n’était que de l’astronomie poétique. A son compte, les Leverrier d’autrefois ne procédaient pas par des x, comme on fait au Bureau des Longitudes, mais consignaient leurs observations dans de petits contes pleins de grace. La meilleure réfutation de cette belle découverte a été le pamphlet d’un Belge, qui, par l’application de la méthode de Dupuy, démontra que Napoléon n’a pas existé, et que sa prétendue histoire n’est qu’une allégorie du cours du soleil.

Après une infinité de livres composés sur ce sujet, la question est demeurée à peu près aussi obscure qu’auparavant. M. Grote, qui en expose les élémens avec beaucoup de netteté et d’exactitude, n’arrive qu’à une conclusion négative. « Les mythes, dit-il, sont un produit particulier de l’imagination et des sentimens, sans relation avec l’histoire ou la philosophie. On ne saurait les décomposer pour y découvrir des faits historiques, ni les interpréter comme des allégories philosophiques. Certaines légendes, il est vrai, portent la présomption d’une tendance à l’allégorie (an allegorising tendency) ; d’autres, qu’on ne peut préciser, contiennent une portion de réalité amalgamée à la fiction ; mais cette réalité ne peut être reconnue à aucun indice intrinsèque, et on n’en peut supposer l’existence que lorsqu’elle est confirmée par un témoignage collatéral. Enfin, aux récits mythiques, on ne peut appliquer les règles de la probabilité historique, et, quant à leur date, il n’y a pas de chronologie qu’on y puisse adopter. » Ainsi, selon M. Grote, les mythes seraient à peu près des énigmes sans mots. Il reconnaît pourtant qu’on ne peut les passer sous silence, parce qu’ils forment une introduction obligée à l’histoire de la Grèce. Ils méritent d’être étudiés, parce qu’ils constituent la croyance des anciens, et qu’ils font connaître les mœurs et les idées des hommes qui ajoutaient foi à de pareils récits. Pour écrire