Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/644

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Adam) me donna beaucoup de détails sur le clergé maronite. J’avais cru jusque-là que ce n’étaient que des catholiques médiocres, attendu la faculté qu’ils avaient de se marier. Ce n’est là toutefois qu’une tolérance accordée spécialement à l’église syrienne. Les femmes des curés sont appelées prêtresses par honneur, mais n’exercent aucune fonction sacerdotale. Le pape admet aussi l’existence d’un patriarche maronite nommé par un conclave, et qui, au point de vue canonique, porte le titre d’évêque d’Antioche ; mais ni le patriarche ni ses douze évêques suffragans ne peuvent être mariés.


X. – LE KESROUAN.

Nous allâmes le lendemain reconduire le père Adam à Antoura. C’est un édifice assez vaste au-dessus d’une grande terrasse qui domine tout le pays, et au bas de laquelle est un vaste jardin planté d’orangers énormes. L’enclos est traversé d’un ruisseau qui sort des montagnes et que reçoit un grand bassin. L’église est bâtie hors du couvent, qui se compose à l’intérieur d’un édifice assez vaste divisé en un double rang de cellules ; les pères s’occupent, comme les autres moines de la montagne, de la culture de l’olivier et des vignes. Ils ont des classes pour les enfans du pays ; leur bibliothèque contient beaucoup de livres imprimés dans la montagne, car il y a aussi là des moines imprimeurs, et j’y ai trouvé même la collection d’un journal-revue intitulé l’Ermite de la Montagne, dont la publication a cessé depuis quelques années. Le père Adam m’apprit que la première imprimerie avait été établie, il y a cent ans, à Mar-Hanna, par un religieux d’Alep nommé Abdallah-Zeker, qui grava lui-même et fondit les caractères. Beaucoup de livres de religion, d’histoire et même des recueils de contes sont sortis de ces presses bénies. Il est assez curieux de voir en passant au bas des murs d’un couvent des feuilles imprimées qui sèchent au soleil. Du reste, les moines du Liban exercent toutes sortes d’états, et ce n’est pas à eux qu’on reprochera la paresse.

Outre les couvens assez nombreux des lazaristes et des jésuites européens, qui aujourd’hui luttent d’influence et ne sont pas toujours amis, il y a dans tout le Kesrouan environ deux cents couvens de moines réguliers, sans compter un grand nombre d’ermitages dans le pays de Mar-Élicha. On rencontre aussi de nombreux couvens de femmes consacrés la plupart à l’éducation. — Tout cela ne forme-t-il pas un personnel religieux bien considérable pour un pays de cent dix lieues carrées, qui ne compte pas deux cent mille habitans ! Il est vrai que cette portion de l’ancienne Phénicie a toujours été célèbre par l’ardeur de ses croyances. A quelques lieues du point où nous étions coule le Nahr-Ibrahim, l’ancien Adonis, qui se teint de rouge encore au printemps