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nouveaux habitans, il aurait fallu une autre ville ; ne pouvant pas la bâtir à côté de l’ancienne, on l’a bâtie au-dessus ; toutes les maisons de Toulon se sont élevées de plusieurs étages, et, comme les rues sont excessivement étroites, l’aspect en est fort désagréable. La nécessité de marchander l’espace fait qu’on trouve à peine dans la ville une demi-douzaine d’escaliers convenablement éclairés ; les appartemens sont, en général, trop petits pour se prêter à la réunion d’une famille un peu nombreuse, et les relations sociales sont très sensiblement affectées par cet état de choses. La cherté des loyers éloigne de la ville les ouvriers de l’arsenal ; la plupart d’entre eux habitent la Seyne ou les villages voisins, et une partie des forces qu’ils devraient apporter à leurs travaux s’épuise dans le double trajet qu’ils sont tenus de faire chaque jour. Le défaut d’espace dans l’intérieur des murs a fait rejeter en dehors plusieurs des établissemens qu’il importait le plus de mettre à couvert ; tels sont le port marchand, l’hôpital civil, et, ce qui est plus étrange dans une place de guerre de cette importance, les principales casernes et le parc d’artillerie sont en dehors des fortifications. En 1707, en 1746 et en 1793, les troupes chargées de la défense de la place n’ont point pu s’y établir ; elles occupaient, en s’appuyant sur les glacis, les camps de Saint-Antoine et de Sainte-Anne.

De pareilles singularités ne sauraient subsister ; il faut tirer de la gêne cette nombreuse population, la mettre à l’abri des épidémies dont la menace son entassement, lui donner de l’air et de l’espace. Cette nécessité est comprise de tous, et l’agrandissement de Toulon est depuis long-temps résolu en principe. Le colonel du génie Picot a projeté l’établissement d’une nouvelle enceinte, infiniment plus forte que celle d’aujourd’hui, et qui, sans parler de l’arsenal, porterait la superficie de la ville à 66 hectares ; il a démontré qu’au moyen du concours offert par le conseil municipal, on solderait à peu près, avec la vente de l’emplacement des fortifications actuelles, les 6,800,000 fr. que coûterait la construction des nouvelles. Ce projet, adopté par le gouvernement, a été soumis à la chambre des députés pendant la session de 1846[1], et, s’il n’a point encore été représenté, c’est sans doute qu’on se propose, comme pour l’arsenal de la marine, quelque chose de plus complet et de meilleur encore. Ne nous plaignons pas d’un retard qui doit être le gage d’une amélioration, et faisons des vœux pour qu’une ville dans laquelle se résume un des principaux élémens de la force et de la grandeur de notre pays soit bientôt pourvue des établissemens qui lui manquent.

La rade de Toulon se divise en deux parties bien distinctes, la grande

  1. Voir le projet de loi présenté par le ministre de la guerre le 28 avril 1846, et le rapport fait le 7 mai suivant, au nom de la commission chargée de l’examiner, par M. Clappier.