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modifications inévitables dans la conduite et l’attitude de la majorité. Ce germe tend à percer aujourd’hui. Faut-il en contrarier, en étouffer les développemens ? Non, il faut les diriger. La majorité doit s’assimiler tout ce que les recrues de 1846 lui apportent de sang nouveau, de forces vitales ; c’est ainsi que les grands partis politiques s’affermissent et s’étendent. Nous voudrions aussi que la majorité, bienveillante envers ceux des siens qui ne siégent pas au milieu d’elles depuis plusieurs années, montrât sur plusieurs points plus d’initiative ; elle répondrait mieux ainsi aux instincts du corps électoral dont les suffrages ont si fort grossi ses rangs. N’y a-t-il pas quelques satisfactions habiles à donner à l’opinion ? Nous signalions dernièrement les questions administratives, les questions financières, comme appelant toute la sollicitude de la chambre ; C’est là un vaste champ qu’elle peut ouvrir à l’activité et à un sage esprit de réforme des conservateurs progressistes, de ceux qui sont sincères quand ils protestent de leur fidélité aux principes de la majorité, et qui veulent travailler dans ses rangs au bien général du pays. S’il n’y a pas de questions politiques proprement dites qui réclament une solution immédiate, il y a dans la sphère des intérêts et des affaires une situation lourde, inquiétante pour l’avenir ; il y a une crise financière qui n’est que trop attestée par l’état de détresse où sont tombées les compagnies de chemins de fer. Ces compagnies, nous parlons des plus considérables, celle du chemin de fer de Lyon par exemple, se trouvent réduites à une inaction mortelle à tous les intérêts. Il y a des efforts, il y a des sacrifices qui sont au-dessus des ressources de l’industrie privée. On a eu raison de dire qu’il n’y a pas en ce moment une compagnie en France qui puisse par elle-même se procurer 100 millions. L’intervention de l’état est indispensable ; c’est ce qui n’est pas, nous le croyons, méconnu par le gouvernement. S’il a hésité jusqu’à présent à saisir la chambre d’une pareille question, c’est qu’il a pressenti qu’il la trouverait peu disposée à de nouveaux votes financiers, surtout quand il s’agit de compagnies pour lesquelles la chambre croit avoir beaucoup fait. Cependant la chambre et le gouvernement ne sauraient penser que la solution de ces questions difficiles est dans l’inaction absolue, et la session ne se passera pas sans doute sans qu’on applique un remède à un mal qui n’est pas moins grave pour la fortune publique que pour les capitaux particuliers. Lorsqu’en décembre dernier nous signalions la rareté du numéraire et la perturbation générale dans les affaires, on espérait que les derniers jours de l’année seraient les plus mauvais, et que la situation commerciale s’améliorerait en s’éloignant de l’époque où les engagemens du commerce sont les plus nombreux. Nous regrettons de constater que, malgré l’apparence d’une bonne récolte annoncée de tous côtés, la position de la place ne soit pas plus favorable l’argent est toujours rare et cher. Il est vrai que la mesure adoptée par M. le ministre des finances de porter l’intérêt des bons du trésor à 5 pour 100 ne pouvait en diminuer le taux, et l’on a même lieu de se féliciter que la rente n’ait pas subi une plus forte dépréciation devant l’arbitrage que chaque porteur d’inscription devait naturellement chiffrer. Vendre sa rente à 4 et demi et placer à 5 pour 100 en bons du trésor était une opération qui pouvait faire tomber la rente à un taux beaucoup plus bas. La crainte de ne pouvoir reprendre ses titres au même cours que ceux où on aurait vendu a heureusement arrêté beaucoup de spéculateurs, et le trésor paraît avoir trouvé les fonds dont il avait be-