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militaires et dans l’hypothèse, du triomphe de la république fédérale, le démembrement du Mexique peut devenir, comme nous l’avons indiqué, une cause de déchirement pour l’Union victorieuse.

En Algérie, nos relations avec les tribus jusqu’alors indépendantes qui habitent le Djerdjera deviennent de plus en plus satisfaisantes. Le chef kabyle Bel-Kassem ou Kassi, qui, pendant la dernière insurrection, s’était rendu redoutable au cercle de Delhi, est venu à Alger faire sa soumission ; il s’est présenté au nom des populations kabyles comprises entre Delhi et Bougie, et on a pu conclure avec lui une sorte d’arrangement qui garantit le libre accès de ces montagnes à notre commerce, et stipule en faveur de la France l’acquittement d’une contribution annuelle. L’habile direction imprimée aux efforts de la politique et l’énergie déployée dans la guerre ont produit un autre résultat non moins heureux, non moins important. Le célèbre Bou-Maza, cet ardent fanatique, se prétendant descendant de la famille schérifienne des Ben-Deris, qui, depuis 1845, entretenait l’agitation la plus vive dans la subdivision d’Orléansville, est venu se rendre de lui-même à l’autorité française. La physionomie pleine de feu et d’audace de ce jeune homme, à peine âgé de vingt-cinq ans, les témoignages du respect empressé qu’il reçoit des Arabes au milieu même de nos camps, prouvent que Bou-Maza avait une position beaucoup plus forte qu’on ne le croyait généralement, et qu’il pouvait causer encore beaucoup de maux aux malheureuses populations qui habitent le Dahra. Ainsi donc sur plusieurs points de l’Algérie se manifestent à la fois des tendances nouvelles de la part des indigènes. Notre puissance a enfin reçu, aux yeux de ces musulmans fanatiques, cette consécration de la volonté divine devant laquelle ils baissent la tête avec résignation. À mesure que les résistances que nous éprouvions diminuent, les travaux de fortification du sol vont prendre un essor plus rapide, et on a tout lieu d’espérer que le gouvernement, qui a su, par le bon choix de ses agens et la sagesse de ses dispositions, favoriser l’accomplissement de ces heureux résultats, ne se montrera ni moins actif ni moins intelligent pour les œuvres de la paix.

De toutes les difficultés qui ont retardé et retardent encore les progrès de notre établissement en Algérie, la plus grande, sans contredit, est l’impossibilité où se trouvent les Européens, par suite de la diversité du langage, d’entrer en communication d’idées, en relations d’affaires et de commerce avec les indigènes. Pour remédier à cet état de choses, deux moyens se présentaient à l’administration : l’un d’encourager chez les Arabes l’étude de la langue française, l’autre de propager chez les Européens la connaissance, au moins élémentaire, de la langue arabe. Le premier de ces moyens n’a produit jusqu’ici que de très faibles résultats. L’Arabe, naturellement insouciant, même pour l’étude de sa propre langue, n’a fait aucun effort pour se mettre en état de comprendre notre idiome, et ne s’est nullement laissé tenter par les avantages qui lui étaient assurés. Ici, comme en bien d’autres choses, il nous a fallu faire le premier pas, et, dans l’intérêt de la civilisation, étudier la langue arabe, en attendant que la langue française devienne, ce qui arrivera dans un temps donné, la langue de L’Algérie. Le second moyen a donc été employé par le gouvernement, et, depuis 1837, des cours publics de la langue arabe ont été successivement établis à Alger, à Constantine, à Oran ; mais ces cours, ainsi que les leçons données au collège d’Alger, ne s’adressant qu’à un petit nombre d’auditeurs, n’avaient