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on l’a considérée d’un œil plus favorable, quand on a vu la facilité avec laquelle des territoires ont été envahis. Ce résultat a flatté tant l’amour-propre que l’ambition des Américains, qui seraient assez disposés à conserver leurs nouvelles conquêtes ; mais ici la question de l’esclavage se rencontre encore comme sur obstacle, comme un achoppement. Les états du nord sont décidés à s’opposer à l’introduction de l’esclavage dans les nouveaux territoires ; de son côté, le sud ne consentirait jamais à un traité avec le Mexique dans lequel on introduirait une clause tendant à exclure l’esclavage des territoires cédés. Comment se tirer d’un pareil conflit ? Pour tourner la difficulté, on prendrait le Rio-Grande del Norte pour limite du Texas ; on rendrait au Mexique les territoires conquis, à l’exception, toutefois, de la Californie, que le Mexique, moyennant une indemnité, serait contraint de céder à l’Union. Sur la possession de la Californie, il n’y a qu’une opinion dans les états du sud comme dans ceux du nord. La convoitise des Américains ne se borne pas là ; depuis long-temps, elle s’est tournée du côté de Cuba, qui, par sa richesse et sa position géographique, a une haute importance à leurs yeux. Ils font dans l’ombre tout ce qui est en leur pouvoir pour disposer les habitans de cette île à se séparer un jour de l’Espagne, et le grand commerce qu’ils entretiennent avec Cuba leur donne les moyens de préparer les voies. Chaque année voit de nombreux Américains s’établir à Cuba. Ces nouveaux propriétaires ont des rapports journaliers avec le peuple de l’île, et ils lui vantent les avantages dont il jouirait, s’il faisait partie de l’Union américaine. Cette propagande est encore favorisée par la mauvaise administration de l’Espagne, qui a l’imprudence d’élever le chiffre de l’impôt immodérément, et qui ne pourrait accuser qu’elle-même, si, un jour, des populations qui lui ont été sincèrement dévouées se montraient résolues à se séparer d’elle.

C’est le double caractère des Américains d’être à la fois très avides d’acquérir et très parcimonieux sur les moyens de conquête. La guerre du Mexique n’est pas au fond populaire aux États-Unis : on a vu avec quel effort pénible le congrès a voté l’argent et les troupes nécessaires pour la continuer. Des orateurs, notamment M. Calhoun, se sont acquis la faveur publique en soutenant que les deux buts principaux qu’on s’était proposés en déclarant la guerre au Mexique étaient atteints. Que voulait-on ? Repousser l’invasion et revendiquer des limites contestées. Ces deux résultats sont obtenus. Pourquoi dès-lors ne se bornerait-on pas désormais à une attitude défensive ? On a vu un moment le gouvernement américain, dans son désir de mettre fin à une lutte dispendieuse, prêter une oreille crédule aux assurances d’un ancien courtier de Santa-Anna, d’un intrigant subalterne, et l’envoyer à Mexico dans l’espoir de nouer des négociations utiles. Atocha, c’est le nom de cet agent, quittait, quinze jours après, la capitale du Mexique pour revenir à Washington sans avoir réussi. Après ces tentatives infructueuses, le gouvernement américain a voulu essayer des mesures énergigues ; il a ordonné à ses généraux de pousser les hostilités avec vigueur, et il s’est proposé de flatter l’amour-propre national par la prise de Véra-Cruz, que quelques feuilles américaines paraissent avoir annoncée prématurément. Jusqu’à présent, les derniers événemens ont montré entre les troupes de l’Union et les Mexicains une alternative de succès et de revers. Malgré l’incontestable supériorité des États-Unis sur le Mexique, la lutte a pour l’Union une gravite, qui dépasse toutes les prévisions de ses hommes politiques. Outre les difficultés