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incessant, variable seulement dans sa masse, s’est d’abord amoindri, a suspendu son cours et puis changé de direction. La Chine nous envoie de l’argent plus qu’elle n’en reçoit de nous, ou plutôt c’est de l’or qu’elle nous expédie, par l’intermédiaire de l’inde principalement. On calculait à la même époque que le Levant nous prenait tous les ans une vingtaine de millions en argent. À cause de l’entreprise de la France en Algérie, il s’en écoule par là encore une quantité notable. Les pays grands producteurs de métaux précieux, l’Amérique et la Russie, en retiennent très peu. Ce n’est donc pas ce qui leur en reste qui peut donner la clé de la destination que reçoivent l’or et, l’argent. La fabrication de la bijouterie et de l’orfèvrerie, la dorure et l’argenture, absorbent ou même font disparaître une partie de la production ; mais laquelle ? C’est ce qu’on s’est vainement évertué à deviner ; les manufacturiers qui emploient des métaux précieux mettent indistinctement au creuset des lingots arrivés des pays des mines, des bijoux qui ne sont plus de mode et de vieille vaisselle, même de la monnaie. On sait approximativement par l’impôt, qu’on nomme en France de garantie, quelle est la fabrication totale en matières d’or et d’argent ; mais il n’en résulte aucune donnée certaine sur l’emploi de la production annuelle des métaux précieux. Les matières vieilles ou neuves qui sont fondues pour la fabrication des bijoux et de tous les ustensiles en or et en argent, pour le seul usage de l’Europe et de l’Amérique du Nord, montent à plus de 150 millions de francs. Voilà à peu près tout ce qu’il y a de plausible à dire. Le frai des monnaies et les pièces d’or et d’argent qui se perdent par accident, dans les naufrages ou autrement, représentent un déficit à couvrir tous les ans. C’est plus considérable qu’on ne le croirait. M, Mac Culloch est d’avis qu’il faut le porteur au centième de la masse totale des monnaies. S’il y a 8 milliards de monnaie en Europe, ce serait une perte annuelle de 80 millions, chiffre qu’il est bien difficile d’admettre. Je reproduis ici, avec beaucoup de réserve, tous ces aperçus. Ce sont des évaluations dépourvues de bases certaines, bonnes seulement à faire connaître dans quelles directions s’est agitée la sagacité des écrivains, lorsqu’ils ont voulu suivre les métaux précieux une fois lancés sur le marché général.

J’arrête ici le cours de ces observations sur les métaux précieux. Je laisse à chacun le soin d’en tirer la conclusion, et de les interpréter à son gré. Elles laissent le champ ouvert à beaucoup de conjectures. Il y a cependant une idée pratique que je crois solidement établie, à savoir que d’ici à un terme qu’il est impossible de déterminer exactement, mais qui pourrait être assez prochain, la valeur de l’un des deux métaux précieux, particulièrement l’argent, éprouvera, par l’application des sciences et des arts, tels que nous les avons aujourd’hui, aux mines