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de mes conseils, en choisissant le sujet qu’il a traité cette année. Ce que je puis affirmer, c’est que la Leucosis est très supérieure aux deux ouvrages que M. Ottin nous a montrés au dernier Salon. Cependant, quelle que soit mon estime pour cette figure, je ne dois pas, je ne peux pas la louer sans réserve. Cette figure en effet, souple et gracieuse, n’est pas exempte d’afféterie. Le mouvement du bras gauche qui tient la draperie rappelle trop les compositions de Boucher. M. Ottin, qui a fait à Rome un séjour de quatre ans, qui a vécu familièrement avec les monumens de l’art antique, dont le goût s’est formé dans les musées du Vatican et du Capitole, doit savoir ce que vaut le mouvement du bras gauche de sa Leucosis. Puisqu’il a trouvé sa voie, qu’il y marche désormais d’un pas sûr, et qu’il ne tente plus les genres qui répugnent à son talent. Son Hercule et sa Vierge lui ont montré assez clairement que l’énergie musculaire et le sentiment religieux trouvent dans son ciseau un interprète infidèle. A cet égard, je le pense du moins, il est parfaitement édifié. Puisque l’expression de la grace et de la mollesse lui semble dévolue, puisque la Leucosis satisfait à presque toutes les conditions du sujet, M. Ottin sait dès à présent quelle direction il doit donner à ses travaux. Qu’il soit sévère pour lui-même, qu’il s’interdise l’afféterie, et nous pourrons alors le louer sans réserve. Je ne crois pas qu’il attache une grande importance au groupe de l’Amour et Psyché. C’est une bagatelle assez insignifiante qu’il eût mieux fait de ne pas envoyer au Louvre. Quel moment a-t-il choisi dans la vie de Psyché ? Il a négligé de nous le dire, et j’avoue que je n’ai pas su le deviner. Je suis donc forcé de m’en tenir à l’exécution pour juger l’œuvre de M. Ottin. Or, l’ensemble des lignes n’est pas heureux, et la forme a tout au plus une précision suffisante pour un de ces groupes d’albâtre qu’on place au-dessus d’une pendule. Ce n’est pas au Salon qu’appartiennent de telles œuvres, car elles ne peuvent rien ajouter au nom de l’auteur. Les salles du Louvre ne sont pas ouvertes pour nous montrer des caprices aussi insignifians. La composition de M. Ottin fût-elle d’ailleurs aussi claire qu’elle est obscure, pour nous du moins, l’exécution fût-elle aussi précise que nous pourrions le souhaiter, nous penserions encore que les proportions de ce groupe conviennent mieux au bronze qu’au marbre. Le choix de la matière mérite la plus sérieuse attention, et, lorsqu’il n’est pas fait avec intelligence, il compromet souvent le succès de la composition la plus heureuse.

L’Amour enfant, de M. Jaley, plaît généralement, et l’approbation unanime qui accueille cet ouvrage n’est vraiment que justice. Presque toutes les parties de cette figure sont exécutées avec un talent, une grace, qui méritent les plus grands éloges. Il y a dans le torse et les membres de cet enfant une souplesse, une vie qui se rencontre bien rarement sous le ciseau du statuaire. Si l’invention de cette figure appartenait