Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/550

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ajustement de ses draperies, de chercher des effets que la statuaire doit s’interdire ; mais ces fautes, qui appartiennent à son temps, ne sauraient effacer le mérite réel de ses ouvrages. Le buste de Mme *** ne peut faire illusion qu’aux yeux mal exercés. Ce qu’on prend pour de la souplesse dans les cheveux, pour de la mollesse dans les chairs, est dû à un artifice où la statuaire n’a rien à voir. Ce n’est pas le ciseau qui a donné aux chairs et aux cheveux l’aspect que vous admirez ; c’est tout simplement la cire fondue appliquée sur le marbre, dont l’eau-forte a ouvert les pores. Cet aspect, d’ailleurs, n’a rien de bien séduisant, et, pour peu qu’on prenne la peine d’étudier attentivement ce portrait de femme, on s’aperçoit bien vite qu’il a quelque chose de savonneux. Jamais Coustou n’a eu recours à l’artifice grossier employé par M. Clesinger ; jamais une figure sortie de ses mains n’a eu le caractère du portrait que nous avons sous les yeux. Le regard et le sourire ont quelque chose de mignard qui nous reporte aux plus beaux jours du style Pompadour.

Je ne sais comment qualifier une jeune Néréide portant des présens. Toute cette figure est modelée avec tant de négligence, que M. Clesinger eût bien fait de la garder dans son atelier. Cet ouvrage, mieux encore que le groupe des deux enfans, prouve que la figure piquée par un serpent n’est pas une œuvre personnelle. Il n’y a pas, en effet, dans cette Néréide, un seul morceau qui porte le cachet de la réalité. Le torse et les membres seraient à peine acceptables après une année d’étude. La forme est lourde et manque absolument de jeunesse. Cette Néréide est, à mon avis, le plus terrible des argumens que M. Clesinger ait fournis contre lui-même. En signant un ouvrage si parfaitement nul, il semble avoir pris à tâche de réfuter tous les éloges prodigués à son savoir, à son talent d’imitation. Les admirateurs les plus complaisans ne sauraient comment s’y prendre pour louer cette figure, dont l’attitude est pleine de raideur, dont le visage n’exprime rien, dont les yeux ne regardent pas, dont la bouche immobile ne respire pas. Après avoir vu ce dernier ouvrage, il n’est plus permis de s’abuser sur la valeur de M. Clesinger. Encore quelques semaines, et sans doute notre opinion n’étonnera plus personne.

J’ai peine à comprendre, je l’avoue, comment M. Lemaire a pu être amené à baptiser, ainsi qu’il l’a fait, la figure colossale que nous voyons au Louvre, Archidamas se prépare à lancer le disque : telles sont les paroles que nous lisons dans le livret. Nous croyons naturellement que le marbre doit traduire la pensée de l’auteur ; pourtant il n’en est rien. Archidamas ramasse le disque, mais il est impossible de deviner qu’il se prépare à le lancer. L’attitude de cette figure s’accorde très mal avec le sujet choisi par l’auteur. Archidamas est accroupi, et rien en lui ne révèle la force et l’énergie dont il aura besoin pour lancer le disque