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ne prit rang, en 1829, parmi les lois de l’état, qu’après avoir servi de texte à la formation et à la retraite de plusieurs ministères, qu’après avoir déterminé des commotions formidables en Irlande, et le jour seulement où le duc de Wellington comprit que le gouvernement de l’Irlande, tombant dans les mains d’O’Connell, allait échapper à l’aristocratie britannique. La réforme électorale ne fut promulguée en 1832, par le ministère de lord Grey, qu’après cinquante ans de discussion, à la lueur des émeutes populaires et grace à l’impulsion communiquée aux peuples de l’Europe par notre révolution de juillet. La ligue elle-même, cet admirable mouvement de la bourgeoisie manufacturière en faveur de la liberté des transactions entre les peuples, malgré huit ans d’efforts, de persévérance et de sacrifices, disposant de la puissance industrielle dans le pays où l’industrie est parvenue à son apogée, ayant pour véhicule le bon sens d’un peuple éminemment pratique et pour instrument l’éloquence de Cobden, n’eût pas emporté d’assaut la citadelle du privilège, sans le renfort inespéré que lui ont apporté la famine et la misère.

La réforme dont M. Rowland Hill prit l’initiative en Angleterre se présente peut-être seule avec ce caractère, dans lequel la fortune entre sans doute autant que le mérite, d’avoir été adoptée presque aussitôt qu’elle était proposée. Le stage qu’on lui a fait faire n’a pas duré plus de trois ans. En 1837, M. Rowland Hill publiait la seconde édition de sa brochure : en 1838, la chambre des communes ouvrait une enquête sur ce projet ; en 1839, le gouvernement s’appropriait le système et obtenait des chambres qu’il fût converti en loi de l’état.

J’accorde que le réformateur a été pour beaucoup dans le prompt succès de la réforme. D’autres avaient eu pour instrumens ou pour appuis des intérêts fortement organisés ou des associations puissantes. M. Rowland Hill n’a pu compter que sur lui-même pour agir sur les esprits ; il n’a pas eu d’autre levier que son intelligence et sa volonté. L’autorité qui s’attache à une position élevée ne lui manquait pas moins que celle d’un talent reconnu, et c’étaient là des causes réelles d’impuissance ou d’infériorité dans un pays éminemment aristocratique. M. Rowland Hill n’était ni un grand seigneur comme lord Grey, ni un administrateur émérite comme sir Henry Parnell ou sir James Graham. La nature ne l’avait pas armé de cette éloquence qui passionne les grandes réunions d’hommes, quand elles entendent vibrer la parole d’O’Connell ou de Cobden. En revanche, M. Rowland Hill était doué, à un degré peu commun, même en Angleterre, de l’intelligence des détails et de la résolution la plus persévérante. Il appartenait à cette classe d’hommes politiques qui se cramponnent à une idée, qui la reproduisent dans toutes les circonstances, et qui ne l’abandonnent pas qu’elle n’ait triomphé ; mais, à la différence de M. Plumptree et de sir Robert