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analogue à la poudre à canon, et cette analogie suffit pour enlever au moine allemand, souvent cité, et à Roger Bacon, cité aussi fort mal à propos, l’honneur d’une invention dont l’importance et l’origine ignorée ont donné naissance à un proverbe populaire. Qui donc a inventé la poudre ? Est-ce Callinique d’Héliopolis ? Les soldats français qui brûlèrent si glorieusement ici celle de la république étaient-ils, sans s’en douter, sur les terres de l’inventeur ? Je pressens la joie de ceux qui attribuent tant de portée aux anciennes connaissances de l’Égypte. La grande découverte qui a changé le monde moderne sortirait de ses antiques laboratoires.

Le feu grégeois aurait servi dans les mystères à éprouver, par des apparitions flamboyantes, par le merveilleux spectacle du feu brûlant sous l’eau, le courage des initiés. A la rigueur, l’origine égyptienne du feu grégeois, et par conséquent de la poudre à canon, n’est pas chose impossible. Seulement il faut remarquer que jusqu’ici aucun de ces monumens, où tant de scènes de la vie militaire et tant de procédés des arts mécaniques sont représentés, n’a rien offert qui ressemblât, soit à la fabrication, soit à l’emploi de la poudre, pas plus brûlant en fusée que lançant des projectiles. Cette preuve négative n’est pas absolue, car la découverte d’un monument nouveau peut la renverser. D’ailleurs le salpêtre est commun en Égypte, où il effleurit à la surface du sol et sur les ruines. Ainsi on peut admettre, si l’on veut, que les Égyptiens ont inventé la poudre ; mais je pense que cet honneur appartient plutôt aux Chinois. Le peuple le plus pacifique de la terre paraît avoir connu de temps immémorial la poudre à canon ; il est vrai qu’il n’a pas toujours été aussi peu guerrier qu’aujourd’hui. Aussi trouve-t-on chez lui fort anciennement l’indice d’armes détonantes appelées d’un nom dont l’onomatopée est très expressive, pao, et dans lesquelles Abel Rémusat n’était pas très éloigné de reconnaître de véritables canons. Quoi qu’il en soit, si depuis long-temps les Chinois n’emploient la poudre que pour les feux d’artifice, où ils excellent, et dont ils ont peut-être enseigné le secret à l’Europe, il n’en reste pas moins prouvé qu’ils ont connu la poudre à canon depuis une époque fort reculée et antérieure de beaucoup au VIIe siècle, c’est-à-dire au temps où Callinique apporta le feu grégeois d’Héliopolis à Constantinople. Mais, dira-t-on, penseriez-vous que l’invention fût venue de la Chine en Égypte ? Je n’en serais point étonné. En 670, époque où l’on trouve Callinique, dont le nom grec éloigne encore toute idée de science sacerdotale égyptienne, où l’on trouve Callinique en possession du secret d’une composition incendiaire semblable à la poudre à canon, les Arabes étaient depuis une quarantaine d’années maîtres du pays où s’élève aujourd’hui le Caire, et par conséquent d’Héliopolis. Or, tout porte à croire que c’est des Chinois que les Arabes ont reçu l’art de préparer le salpêtre ; ils appellent