Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imprévu a enlevé aussi à la société une femme dont la distinction était l’orgueil et le charme de ses amis. En présence de regrets si profonds, nous osons à peine prononcer le nom de Mme de Castellane, qui exerçait autour d’elle comme un empire irrésistible, parce qu’à la finesse de l’esprit elle joignait toutes les délicatesses de la bonté.


Histoire critique de l’école d’Alexandrie, par M. Vacherot[1]. — L’étude de la philosophie alexandrine a produit depuis quelques années plusieurs travaux importans, entre autres le livre de M. Jules Simon dont cette Revue a fait un juste éloge, et plus récemment celui de M. Barthélemy Saint-Hilaire, membre de l’Institut. M. Barthélemy a publié la traduction française d’un certain nombre de morceaux de Plotin, accompagnée d’un rapport à l’Académie des Sciences morales sur le concours ouvert pour le prix à décerner à la meilleure histoire de l’école d’Alexandrie. C’est à la suite de ce concours que M. Vacherot a été couronné. Pour mieux justifier la faveur avec laquelle son travail avait été accueilli par l’Académie, l’auteur a voulu le revoir attentivement avant de le faire paraître. Il y a introduit des développemens nouveaux ; il a multiplié les citations, afin de motiver toutes ses assertions, tous ses jugemens. Le programme de l’Académie demandait trois choses : 1° faire connaître par des analyses étendues les principaux monumens de l’école d’Alexandrie, en insistant particulièrement sur Plotin et sur Proclus ; 2° rechercher les antécédens de cette école, ses rapports avec les religions antiques, et le rôle qu’elle a joué dans la lutte du paganisme contre la religion chrétienne ; 3° suivre la trace des idées alexandrines dans le moyen-âge, et marquer, en terminant, la part d’erreur et la part de vérité qu’elles renferment. M. Vacherot a embrassé toutes les parties de ce vaste programme. Son livre s’ouvre par une longue introduction, dans laquelle il résume et apprécie les doctrines philosophiques ou religieuses qui ont influé sur la direction des Alexandrins, celles de Platon, d’Aristote, de Zénon, et en même temps celles de l’Orient. Il passe en revue les dogmes de la théologie juive, et montre comment Philon en a tiré un système mêlé d’idées grecques et d’idées orientales ; il esquisse à grands traits la théologie chrétienne, les opinions des pères de l’église et les bizarres théories des gnostiques. La fin de cette savante introduction est consacrée à l’histoire des écoles grecques dans les deux premiers siècles de notre ère. À cette époque, la philosophie se transformait ; il s’opérait une sorte de fusion entre le platonisme et le péripatétisme, entre la Grèce et l’Orient. Les philosophes qui remplissent cette période intermédiaire, Alcinoüs, Plutarque, Numénius, ne sont pas des métaphysiciens de premier ordre ; mais leurs tentatives méritent l’attention de l’histoire, parce qu’elles sont un des signes de cet esprit à la fois érudit et mystique qui donne naissance à la philosophie alexandrine. M. Vacherot, qui fait dans son livre une revue si complète et si intéressante des systèmes antérieurs à l’école d’Alexandrie, aurait dû récapituler les points sur lesquels elle les continue, les perfectionne ou les modifie. Cette récapitulation est rejetée à la fin du second volume ; peut-être aurait-il fallu la placer immédiatement après l’introduction de l’ouvrage. C’eût été prévenir les doutes

  1. 2 vol. in-8o, chez Ladrange, quai des Augustins.