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habilement variée ; l’attention se porte naturellement sur le personnage principal. Toute la scène est bien éclairée. Je ne mentionne que pour mémoire ce dernier mérite, auquel M. Granet nous a depuis long-temps habitué. Si l’exécution répondait à la conception, ce tableau serait tout simplement une œuvre éminente ; mais il s’en faut de beaucoup que le dessin et la peinture soient à la hauteur de la pensée. L’auteur a su trouver pour chaque physionomie un type individuel, ce qui est assurément un bonheur bien rare ; mais il n’y a pas une tête qui soit modelée, pas une main qui soit, je ne dis pas faite, mais seulement ébauchée. Bien que M. Granet donne à ses œuvres une valeur constante par l’habileté proverbiale avec laquelle il distribue la lumière, il n’est pas permis de négliger comme il le fait le dessin des figures. Personne n’admire plus que moi le parti quelquefois prodigieux qu’il sait tirer de l’architecture ; personne ne rend plus volontiers justice à la simplicité, à la netteté des effets qu’il se propose et qu’il obtient habituellement avec une sécurité magistrale. Pourtant, malgré mon admiration, je ne peux lui pardonner l’état inachevé où il laisse toutes ses figures.

Dans le saint François d’Assise de M. Charles Lefebvre, on peut louer le caractère vraiment religieux de la composition. Le saint est bien posé et l’expression du visage est ce qu’elle doit être. Je regrette que l’exécution ne soit pas assez précise et que les personnages manquent de relief.

Le Triomphe de Pisani, de M. Alexandre Hesse, ne signale aucun progrès dans la manière de l’auteur. Léonard de Vinci, les Funérailles du Titien, avaient sur le tableau de cette année l’avantage de la clarté. Quant à la peinture proprement dite, c’est toujours le même procédé. On voit sans peine que M. Hesse a étudié avec persévérance, avec fruit, tous les procédés de l’école vénitienne ; mais il n’a dérobé à ces maîtres habiles que la partie matérielle de leur talent. Il sait à merveille comment Titien, Paul Véronèse, Bonifazio, faisaient les étoffes éblouissantes, de leurs tableaux ; il n’a oublié qu’une chose assez importante, il est vrai, l’art d’intéresser. Dans le Triomphe de Pisani, l’œil cherche long-temps le personnage principal ; l’attention ne sait où se porter. Ce n’est pas d’ailleurs le seul défaut de cette composition. Les étoffes sont bien faites, je le reconnais volontiers : quant aux acteurs cachés sous ces étoffes, il m’est vraiment impossible d’en deviner la forme, et je crois que M. Hesse ne s’est pas préoccupé long-temps de cette question. S’il veut prendre une place honorable dans son art, il fera bien d’adopter à l’avenir une autre méthode.

Le Christophe Colomb et le Galilée de M. Robert Fleury sont deux compositions sagement conçues. Peut-être cependant le personnage de Galilée n’a-t-il pas toute la noblesse, toute la dignité qu’on pourrait désirer. Dans le Christophe Colomb, toutes les figures sont bien ordonnées