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ne laisse pas deviner la forme du corps. La figure se compose d’une tête et d’un sac. En parlant de Daniel dans la fosse aux lions de M. Ziegler, nous avions dû exprimer le même reproche. L’auteur paraît oublier que les étoffes n’ont jamais qu’une importance secondaire et doivent, dans tous les cas, suivre et traduire le mouvement des personnages.

Le Songe de Jacob est une composition singulière, et qui se comprendrait difficilement sans le secours du livret. Les anges, malgré la gaze bleue qui les sépare du spectateur, semblent aussi voisins de l’œil que le personnage principal. Le dessin de ces figures est d’ailleurs très peu sévère et n’exprime aucunement le caractère que l’auteur leur attribue. Quant au personnage principal, il n’est pas modelé, et je prends ici le mot dans son acception la plus élémentaire. Non-seulement les os manquent, et la figure, en se levant, ne pourrait ni marcher ni se tenir debout ; mais on peut affirmer sans présomption que la chair même est absente. S’il y a quelque chose sous la peau, c’est de l’air tout au plus. Les débuts de M. Ziegler ne nous avaient préparé ni à la Judith ni au Songe de Jacob.

Le Napoléon législateur de M. H. Flandrin est une triste méprise. Après les peintures murales de Saint-Germain-des-Prés, nous avions le droit d’espérer que M. Flandrin comprendrait autrement le sujet difficile qu’il avait accepté. La tête ne ressemble à aucun des portraits considérés comme authentiques. Parcourez la série entière des portraits faits d’après nature par les artistes les plus habiles, prenez ceux d’Ingres ou de Gros, la miniature de Guérin ou le buste de Canova, vous ne trouverez nulle part la physionomie que M. Flandrin prête à Napoléon. Le visage qu’il nous donne pour celui de Napoléon n’exprime clairement ni la volonté ni la pensée ; or, est-il possible de concevoir un législateur sans cette double expression ? Le type imaginé par M. Flandrin est d’une élégance fade et inanimée. Quant au manteau impérial qui enveloppe le corps de Napoléon, il est absolument vide. Sans exiger, ce qui serait souverainement injuste, qu’il explique et traduise la forme comme une toge romaine, il est naturel de vouloir qu’il l’indique au moins et permette à l’œil de la suivre et de la deviner. Le manteau impérial du Napoléon de M. Flandrin ne satisfait pas même à cette condition indulgente. Entre la poitrine et le dos il n’y a pas l’épaisseur de la main. Je ne dis rien du bleu cru sur lequel se détache le visage ; car la crudité du fond, comparée aux défauts que je viens de signaler, n’est qu’un défaut secondaire. Un portrait d’homme du même auteur mérite de grands éloges pour la fermeté du modelé ; les yeux sont bien enchâssés, les tempes et les pommettes bien accusées. Et pourtant, malgré toutes ces qualités éminentes que je me plais à reconnaître, la tête ne vit pas. Tous les plans du visage, si savamment étudiés, semblent traduits plutôt par l’ébauchoir que par le pinceau ; sous