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il n’y a qu’un seul plan. Le front et les orbites sont d’une forme indécise, Le visage est malade, soufflé, et n’a pas de charpente. Si M. Couture veut mériter la moitié de la renommée prématurée dont il a joui pendant quelques jours, il faut qu’il se résigne à des études persévérantes et qu’il abandonne pour long-temps les sujets qui exigent un sentiment profond de l’antiquité. Il faut qu’il s’exerce patiemment dans la partie élémentaire et positive de la peinture. Avant d’aborder les compositions complexes, il doit essayer ses forces sur des données d’une nature plus modeste. Puisse-t-il résister courageusement à l’enivrement de la louange ! puisse-t-il écouter les conseils désintéressés, et ne pas demeurer dans la fausse voie où il est engagé !

Le portrait du roi et de ses cinq fils, par M. Horace Vernet, ne nous apprend rien de nouveau sur le talent de l’auteur. Il y a dans cette toile une incontestable habileté. Toutes les figures sont solidement posées les chevaux, vus de face, sont dessinés avec une adresse à laquelle nous applaudissons ; mais, la part de l’éloge une fois faite, nous devons dire que ce portrait de famille manque d’élégance et d’élévation. L’aspect du tableau est celui d’un papier peint. L’adresse même dont l’auteur a fait preuve ne dissimule pas complètement la rapidité de l’exécution. Les principales difficultés ont été plutôt éludées que résolues. Le portrait de Charles X, vu de face, comme celui du roi et de ses cinq fils, était étudié avec plus de soin ; la robe du cheval ressemblait un peu trop au satin ; à tout prendre, cependant, c’était une œuvre plus sérieuse. La Judith de M. Vernet est une erreur que rien ne saurait excuser. Déjà une première fois l’auteur avait traité ce sujet de façon à prouver victorieusement qu’il ne le comprend pas ; comment a-t-il été assez mal inspiré pour aborder de nouveau cette donnée qui répugne si complètement à son talent ? La première Judith, malgré le visage farouche d’Holopherne, n’avait rien d’effrayant et appartenait à l’opéra-comique. La seconde Judith, plus vulgaire, plus mal dessinée que la première, appartient au mélodrame, et devrait être la dernière tentative de M. Vernet dans le genre biblique. Comment ne se trouve-t-il pas près de lui un ami clairvoyant et résolu qui lui dise ce que le public a dit depuis long-temps ? Comment l’auteur de tant de charmantes compositions, de tant de batailles finement esquissées, ne comprend-il pas la véritable portée, la véritable destination de son talent ? Comment se trompe-t-il à ce point ? La Judith de cette année est assurément l’ouvrage le plus déplorable que M. Vernet ait signé de son nom. La couleur, le dessin, la pantomime, tout est de la même force. Avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de trouver dans cette toile quelque chose à louer.

La Judith de M. Ziegler ne vaut guère mieux que celle de M. Vernet. Le visage de l’héroïne est complètement dépourvu d’énergie. On ne comprend pas qu’une fille dont les traits n’expriment ni le courage ni l’exaltation tienne à la main la tête sanglante d’Holopherne. Le vêtement