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plus que de discussion, et c’est justement là le difficile pour un pouvoir mal assis, toujours près de glisser sur un caprice, sur une passion, et de disparaître sans laisser de trace. La politique officielle à Madrid est visiblement frappée d’une virtuelle impuissance ; elle fait des lois qui ne sont point exécutées ; elle donne des ordres qui ne sont point respectés ; elle discute lorsqu’il faudrait agir. On ne peut s’empêcher de sourire en voyant le gouvernement espagnol recourir à ces moyens dilatoires tout au plus concevables dans un pays déjà organisé. On nomme des commissions ; il y a une commission des codes qui fonctionne depuis cinq ou six ans au moins, et les codes ne sont pas publiés. Il y a encore une junte des affaires ecclésiastiques, si je ne me trompe, et l’état du clergé est toujours la chose la plus incertaine ; de pauvres prêtres sont obligés, pour vivre, de recourir à des travaux manuels. Voilà une nouvelle commission pour les tarifs, et cette question vitale se trouve ajournée ! Tout cela n’explique-t-il pas la défiance ou l’indifférence du pays à l’égard des gouvernemens qui se succèdent ? Ce n’est donc point, il faut l’avouer, de l’action du pouvoir qu’on peut attendre l’affermissement du régime moderne au-delà des Pyrénées ; les mouvemens qu’on remarque dans ces hautes régions n’ont rien que de superficiel et d’incohérent, de romanesque et de fantasque. Il faudrait désespérer de l’Espagne, si elle continuait à séjourner dans cette atmosphère de caprices où la royauté elle-même s’est laissé trop souvent compromettre.

Mais sait-on ce qui doit inspirer plus de confiance ? C’est que, dans cette société si profondément agitée, à côté des périodiques et stériles révolutions de la politique officielle, tandis que les partis donnent le spectacle de leurs récriminations et de leur impuissance, il s’opère un travail lent et sourd ; il y a des améliorations réelles, positives en Espagne ; il y a des choses pratiques excellentes qu’il faut aller surprendre loin du bruit : ce sont celles où la passion politique n’intervient pas. Ainsi, Madrid compte plus d’un établissement remarquable. J’ai pu voir un préside-modèle, assez récemment créé, où on a introduit le travail et l’instruction parmi les condamnés, et où on peut déjà constater les meilleurs résultats ; c’est une société pour l’amélioration du système pénitentiaire qui a contribué à le fonder à l’aide de cotisations volontaires. Tous les établissemens de bienfaisance sont en notable progrès et se distinguent par leur bonne tenue, par l’ordre qui y règne ; il faut ajouter que beaucoup ne se soutiennent que par la charité privée. Je pourrais citer, en première ligne ; le grand et bel hôpital d’Atocha, qui peut rivaliser avec toutes les maisons du même genre. Un autre établissement me fournit un détail statistique qui n’est pas sans intérêt moral : c’est la maison des enfans trouvés. En peu de temps, on a dû être frappé d’une amélioration sensible, que quelques chiffres suffisent à indiquer. En 1837, il y avait à Madrid environ 1,500 enfans exposés ; plus de 1,100 périssaient, le reste seulement était sauvé. Dans une des