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même est d’un effet étrange : elle vise aux procédés d’une logique serrée, impérieuse, dogmatique, et, à chaque instant, elle éclate comme un hymne ; elle semble secouer la règle qu’elle s’est elle-même imposée. M. Donoso Cortès a un remarquable talent de généralisation, à l’aide duquel il caractérise souvent toute une époque par quelque trait inattendu et singulier. Je ne connais pas de résumé plus vrai, plus juste et plus profond de l’histoire de la maison d’Autriche qu’un mot de lui : « C’est, disait-il, une parenthèse dans l’histoire d’Espagne. » Voilà, en effet, ce que fut cette race parasite, qui surprit les instincts belliqueux de l’Espagne pour la pousser hors de sa véritable voie et la conduisit au cloaque du règne de Charles II. M. Donoso Cortès a eu, l’un des premiers en Espagne, le mérite de faire un cours de droit politique qui ne fût pas la traduction d’un ouvrage étranger. Ce qui séduit toujours dans ses leçons, comme dans les essais qu’il a publiés sur l’histoire, sur la philosophie, sur la littérature, c’est la hardiesse avec laquelle cet esprit plein de feu relève toutes les questions et les dépouille de leurs détails vulgaires. Faut-il s’étonner que M. Donoso Cortès soit naturellement arrivé à être l’un des hommes les plus marquans de la Péninsule, l’un de ceux qui l’honorent le plus par l’intelligence ?

Le talent de M. Pacheco se distingue par d’autres qualités. Le sérieux auteur de l’Histoire de la régence de Marie-Christine occupe un haut rang comme homme public. Hier à la tête de la magistrature espagnole, il se trouve aujourd’hui ministre. Il n’est parvenu à cette place éminente que par ses travaux comme publiciste, par ses discours comme député et ses leçons comme professeur à l’Athénée. Il a fait un cours sur le droit pénal, et, l’an dernier, il traitait à son tour du droit politique. Le talent de M. Pacheco est clair, simple, logique, ferme. Il n’y a dans sa parole rien qui puisse éblouir, surprendre, fasciner ; si on la comparait à celle de beaucoup d’autres orateurs espagnols, elle serait relativement froide et nue, et elle n’est que concise et claire ; elle s’adresse à la raison plutôt qu’à l’imagination. C’est une parole instructive, qui expose avec lucidité les problèmes de droit politique en les éclairant par l’histoire, par la législation, par les coutumes ; et qui ne va pas se perdre dans les abstractions. Sous ce simple langage, on sent une conviction forte, raisonnée, et une pensée droite, impartiale, invinciblement fidèle aux principes modérés et capable aussi de résister à l’entraînement des réactions. Tel était le caractère du cours de M. Pacheco à l’Athénée.

Comme on le voit, sans sortir de ce cercle, où le temps ne se passe pas seulement en brillantes causeries, on peut déjà se faire une idée des préoccupations nouvelles qui agitent les esprits, des changemens qui se sont introduits dans la vie morale de l’Espagne, de même qu’on y rencontre les hommes de quelque valeur qui ont grandi dans ce mouvement. Les théories constitutionnelles ont eu leurs libres et éloquens