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l’idiotie. L’éducation actuelle, loin d’opposer une barrière aux progrès soudains de l’imbécillité, les favorise au contraire par l’exercice immodéré qu’elle impose à la mémoire, à l’instinct d’imitation et à d’autres facultés plus brillantes. Telle jeune fille récite admirablement des fables, témoigne même une sorte de talent mécanique pour le dessin, touche avec agrément du piano en s’accompagnant de la voix, qui couve en elle les germes d’une imbécillité imminente. Il existe nombre d’enfans regardés par les familles comme des prodiges, que la nature avait simplement pourvus d’une facilité superficielle, et que l’éducation ordinaire rend imbéciles, en cultivant outre mesure, et au détriment de la raison, ces dons précoces qui deviennent bientôt, chez les filles surtout, les ornemens prétentieux de la vanité. L’orgueil ou la complaisance des familles ne tarde guère à être cruellement châtié par le sommeil profond, opiniâtre, éternel, qui suit, dans un âge plus avancé, cet éveil factice des graces de l’esprit. Il en est des facultés trop hâtives comme des branches qui montrent trop tôt des fleurs : elles ne tiennent pas toujours leurs promesses. L’influence de l’éducation éclate surtout dans ces faits odieux que les chroniques judiciaires révèlent trop souvent à l’indignation publique. Nous voulons parler de ces enfans séquestrés dès leur naissance par une mère indigne de ce nom ; enfouis dans l’obscurité, privés de tous les moyens d’acquérir des connaissances, de tels êtres ne sont pas des hommes. La perversité des parens a créé en eux une imbécillité artificielle. L’existence de ces Gaspard Hauser deviendra, il faut l’espérer, de plus en plus rare ; à mesure que la civilisation et les lumières morales se répandent, le sentiment maternel tend à s’élever, à s’épurer dans toutes les classes. La science peut du moins tirer de ces faits contre nature une conclusion utile : le traitement moral auquel un enfant est soumis pendant les premières années peut aviver ou éteindre chez lui le principe même de l’intelligence.

Rechercher les influences qui déterminent dans la civilisation actuelle l’existence des idiots ou celle des imbéciles, c’est être sur la voie pour juger les mesures qui pourraient amener le décroissement de cette population dégradée, et pour tracer le devoir de la société vis-à-vis de malheureux qui encourent trop souvent les rigueurs de la loi pour des actes où la volonté n’intervient pas. Notre attention doit se porter d’abord sur une mesure récente de l’administration des hospices. Depuis plusieurs années, la population augmente, la somme des secours attribués aux infirmes et aux malades de la classe pauvre reste stationnaire : il résulte de cet état de choses une disproportion entre la masse des besoins et les limites actuelles des établissemens destinés à les satisfaire. La situation est embarrassante sans doute. Que fait l’administration des hospices de Paris pour en sortir ? Elle traite avec les établissemens