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qu’un seul : c’est toujours la main de la nature qui se retire avant d’arriver chez l’homme à terminer son ouvrage. Rudimens de l’espèce, avortons de l’entendement humain, les idiots portent, sur une ou plusieurs facultés abolies, la flétrissure morale du coup qui les a frappés dans la série des développemens de l’intelligence. Quelques-uns des faits sur lesquels nous avons établi une division des caractères de l’idiotie existaient déjà dans la science, mais ils n’avaient point été raisonnés. Les affinités de l’idiotie avec l’état d’enfance et avec le règne animal avaient été indiquées en passant par MM. Esquirol, Belhomme, Séguin, par Pinel surtout. Nous croyons que de telles coïncidences physiologiques sont très importantes ; elles constituent les anneaux de cette grande chaîne de déformations par lesquelles la nature limite les degrés de l’entendement ou de l’instinct dans l’ensemble des êtres qui couvrent la surface du globe. L’idiotie n’est donc, dans son étrangeté, que la reproduction d’un fait universel, celui de l’abaissement intellectuel et moral des caractères de la vie, depuis l’homme de la race caucasique, qui tient la tête de l’échelle, jusqu’aux régions les plus basses et les plus muettes de l’animalité.


III. – DES CAUSES, DU SIEGE ET DES DEBUTS DE L'IDIOTIE. – DES IDIOTS AU POINT DE VUE LEGAL.

Il existe deux ordres de causes qui arrêtent chez l’homme le développement des facultés : les unes agissent avant la naissance, les autres suspendent chez l’enfant déjà formé les manifestations morales. De ces causes, les premières sont communes à l’idiotie et à l’imbécillité ; les secondes déterminent l’imbécillité seulement. Il résulte de là deux influences dominantes sur les infirmités de l’esprit. Nous allons d’abord rechercher les circonstances voisines de la conception qui peuvent altérer l’intégrité du germe.

Parmi les causes de l’idiotisme antérieures à la naissance, la médecine doit rechercher uniquement celles qu’il est possible de combattre. Les affections morales de la mère durant l’état de grossesse ne paraissent pas être étrangères aux avortemens de l’intelligence chez les nouveau-nés. Une frayeur mortelle, un bouleversement subit des idées, une grande peine de cœur, peuvent réagir par une sympathie mystérieuse sur l’embryon, et troubler dans ses organes l’ouvrage commencé de la nature. A Bicêtre, on a cru reconnaître dans ces derniers temps qu’une assez forte proportion d’enfans idiots ou imbéciles avaient été conçus dans l’ivresse ou dans l’orgie. L’imbécillité étant, comme nous l’avons démontré, un retour vers les premiers âges de la civilisation sur le globe, il faut tenir compte, pour l’expliquer, des circonstances qui précèdent la naissance et qui tendent à ramener l’homme