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de la douleur et ne semblaient nullement s’émouvoir de leur triste état. Une telle indifférence physique établit un nouveau point de contact entre l’imbécile et les hommes des races inférieures. La délicatesse nerveuse croît dans le genre humain avec le développement de l’intelligence et du bien-être. La nature proportionne, au contraire, le degré d’insensibilité des êtres à leur abaissement, à leur incapacité de réagir sur les fléaux du monde extérieur. Les horribles traitemens qu’endure la race noire, presque sur toute la terre, seraient insupportable aux habitans de nos pays civilisés. A la paresse des sensations se lie, dans les races dégradées, un état habituel de langueur, un éloignement presque invincible pour le travail. On connaît l’humeur apathique des noirs et des indigènes du Nouveau-Monde. C’est pour remédier à cette indolence naturelle que les sauvages, comme nos imbéciles, recherchent quelquefois par instinct l’excitation des liqueurs fortes. Le besoin secret qu’ils éprouvent de tirer d’une opiniâtre léthargie l’organe du goût aiguillonne encore chez eux le fatal penchant à l’ivrognerie. À cette insensibilité générale se rattache en outre, chez les femmes, l’accouchement facile, presque exempt de douleurs. Les femmes botocudes se délivrent elles-mêmes sur le bord d’un ruisseau ; après s’être baignées, elles vont rejoindre leur tribu, et reprennent aussitôt les travaux du ménage. Les filles imbéciles qui entrent à la Salpêtrière dans un état de grossesse accouchent de même sans travail et, pour ainsi dire, sans s "apercevoir d’aucune souffrance.

La nature se montre, chez les imbéciles comme chez les sauvages, dans une complète indépendance : les instincts, délivrés du joug de la volonté comme de la raison, exercent une autorité souveraine ; la puberté est ardente et précoce. On a reçu plus d’une fois à la Salpêtrière des jeunes filles, privées d’intelligence, dont les familles se débarrassaient, ne pouvant plus les surveiller : ces malheureuses poursuivaient indistinctement tous les hommes. Le gonflement du ventre, ce signe caractéristique des races arriérées, se rencontre très ordinairement chez les imbéciles et les crétins ; aussi la plupart d’entre eux vivent-ils sous la dépendance de leur organe digestif ; on remarque chez ces pauvres êtres une voracité vraiment bestiale. Dans chacune des quatre grandes races primitives, il existe un tempérament particulier qui ramène à soi toutes les manifestations intellectuelles ou morales des hommes d’une même couleur. Cette influence énorme du tempérament propre à chaque race, qui se montre prépondérante chez le sauvage et que le croisement atténue dans les sociétés civilisées, se reproduit chez l’imbécile avec toute l’énergie d’une cause indépendante. Lymphatique, il sera doux, triste, larmoyant ; sanguin, il se montrera au contraire violent, irritable ; bilieux, il manifestera de l’inquiétude,