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d’aliénées chroniques, réunissait à ses frais quatre-vingts élèves dans une école commune, où une institutrice leur donnait ses soins. Les résultats ne furent pas les mêmes pour tous les degrés de l’idiotie ; le traitement mis en usage eut principalement de l’action sur les imbéciles, c’est-à-dire sur celles qui avaient retenu quelques traits de l’humanité. M. Falret avait surtout en vue de les rendre utiles à elles-mêmes et à l’hospice. Presque toutes apprirent, quoique inégalement, à lire, à écrire et à coudre. Elles se distribuaient entre elles d’autres ouvrages de service. L’éducation morale et religieuse ne fut pas négligée : elles assistaient à l’office et s’y faisaient même remarquer par une tenue décente ; parmi ces idiotes presque régénérées, quelques-unes parurent assez éclairées à l’aumônier de la maison pour qu’il les admît à la sainte table. Leurs camarades que l’éducation avait rendues affectueuses, les voyaient faire leur première communion avec des larmes d’attendrissement et témoignaient le désir d’être jugées dignes du même honneur. Le souvenir du docteur Falret ne se reporte pas sans émotion à ces premières années de son service : des succès moins éclatans que solides couronnèrent alors une tentative toute silencieuse et demeurée long-temps dans l’oubli. L’état physique et moral, des imbéciles s’améliora sensiblement sous ce nouveau régime ; leur intelligence, jusque-là stérile, s’ouvrit pour recevoir les germes de l’instruction élémentaire, en même temps que leurs doigts se formaient aux travaux d’aiguille. La méthode suivie sous la direction du docteur Falret ne différait de la méthode employée à l’égard des enfans ordinaires que par une intensité plus grande de moyens appropriés à la faiblesse d’esprit de ces élèves exceptionnels. Il savait mettre dans le commandement une sévérité que tempérait à propos la bienveillance, fixer vivement ses leçons dans la mémoire des élèves inattentives, exiger d’elles la répétition constante des mêmes actes. Cette méthode si simple a été louée dernièrement, dans un rapport à l’administration des hospices, par un homme qui s’y connaît, M. Lélut. L’art d’élever les idiots et les imbéciles n’est pas, comme on a voulu le faire croire depuis, un art occulte. Si les essais du docteur Falret en faveur de la rédemption morale des infirmes ont, malgré les résultats obtenus, trouvé dans ce temps-là peu de retentissement, c’est une raison de plus pour leur restituer ici le rang qui leur appartient. Le premier dans un service de filles idiotes, il entreprit de briser le sceau de la bête sur le front de ces êtres disgraciés par la nature. Depuis la tentative bizarre et isolée du docteur Itard, depuis les écrits trop peu remarqués de M. Belhomme, c’était un nouveau pas que faisait la médecine des idiots.

Vers le même temps (1828 à 1832), l’hospice de Bicêtre était le théâtre de réformes et de tentatives où se révélait une tendance analogue à celle qui animait M. Falret. M. Ferrus, médecin en chef, sépara les