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belle tentative, aboutissant à un résultat incomplet, ne put déterminer une révolution immédiate dans le traitement des idiots ; c’était un germe qui avait besoin d’être fécondé par d’autres expériences avant d’éclore. Le principe du moins sur lequel devait s’établir une éducation méthodique des idiots était jeté : l’étude des caractères physiologiques doit tracer la direction de l’enseignement dans tous les cas exceptionnel où l’insuffisance des aptitudes intellectuelles rend impossible l’emploi des méthodes ordinaires.

A la même époque, un autre médecin justement célèbre, un enfant de la Savoie, Fodéré, tournait ses recherches vers les crétins qui occupent les vallées étroites enclavées dans la chaîne des Alpes. Le crétinisme est un mal pour ainsi dire géographique, lié à l’action des causes extérieures, comme l’humidité ou la pesanteur de l’atmosphère ; il se reproduit par l’hérédité dans tous les pays de montagnes où il a fait quelques premières victimes. Dans son important Traité du crétinisme, Fodéré avait surtout en vue d’établir l’influence des climats sur l’entendement humain. Quoique son travail portât sur les circonstances locales qui maintiennent et communiquent le germe du crétinisme, l’habile observateur laissait entrevoir la possibilité d’une éducation pour les crétins. Il ne doutait pas qui on ne parvint à les rendre utiles, et même à améliorer leur condition, en les appliquant aux travaux des champs ou de l’industrie rurale. L’attention, un instant soulevée par les écrits d’Itard et de Fodéré, ne se soutint pas : de 1802 à 1824, nous rencontrons une lacune dans les travaux relatifs à l’idiotisme. Pinel et Esquirol, qui ont tant fait pour le sort des aliénés, négligèrent le traitement des idiots ; leur imposante autorité ne fit même que confirmer l’anathème médical qui pesait sur ces excommuniés de naissance. C’est pourtant de la Salpêtrière, où pratiquait alors M. Esquirol, que partirent de nouveau quelques étincelles de sollicitude en faveur de ces pauvres infirmes. Un jeune médecin, M. Belhomme, fit paraître dans un mémoire sur l’idiotie les observations qu’il avait recueillies à cet hospice. L’auteur affichait des prétentions modestes : croyant qu’on pouvait bien traiter, mais non guérir, une infirmité congéniale, il se bornait à proposer quelques moyens pour améliorer le sort des idiots, en développant chez eux le peu de facultés qu’ils ont reçu de la nature. Les voies qu’il indique pour atteindre ce résultat sont l’habitude et l’imitation. M. Belhomme décrivait en outre quelques cas particuliers d’idiotie, suivis d’un classement et de recherches cadavériques. A l’époque où il parut, ce mémoire avait du moins le mérite de rappeler l’attention sur les idiots, depuis si long-temps délaissés dans nos hospices.

Il faut arriver à 1831 pour découvrir les traces d’une instruction pratique donnée aux idiots dans l’un de nos établissemens charitables M. Falret, chargé à la Salpêtrière d’un service d’idiotes, d’imbéciles et