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homme de résolution autant que de savoir et d’expérience, a lui-même reculé devant la force d’inertie qui, dans ces contrées, enchaîne l’activité du plus intrépide. Cependant il reste acquis à la cause du progrès que si, d’un coup de baguette, on changeait la pente des esprits et la donnée sociale et politique du pays, on pourrait diminuer des 5 sixièmes, peut-être des 9 dixièmes, la consommation du mercure. Au prix actuel de ce métal, les frais de production d’un kilogramme d’argent seraient réduits de 100 grammes d’argent environ, soit d’un dixième.

En ce moment, l’usine qui dépend des mines de Guadalupe y Calvo emploie régulièrement un procédé dû à deux des agens de la compagnie, M. Lukner, ingénieur allemand, et M. Mackintosh, ingénieur anglais, qui a la vertu, dit-on, de réduire de moitié la consommation du mercure et d’accélérer l’opération. J’ignore s’il serait possible de l’appliquer partout[1].

Je me suis arrêté long-temps au mercure, parce que c’est le sujet qui donne le plus de souci au mineur mexicain. Parmi les autres dépenses, il en est cependant à l’égard desquelles on peut espérer plus d’économie encore que de ce chef. Ainsi la trituration du minerai représente habituellement un déboursé de 171 grammes, et le travail du minerai trituré, consistant principalement dans le piétinement des mules ou des hommes, équivaut à 72. Voilà donc des labeurs mécaniques pour 243 grammes, le quart environ du kilogramme d’argent produit. C’est bien cher, quoique pour obtenir 1 kilogramme d’argent il faille pulvériser et puis fouler, au Mexique, 500 kilogrammes au moins de minerai. C’est que la force motrice, au lieu d’être empruntée aux élémens, à des chutes d’eau, aux courans de l’atmosphère ou à la vapeur, est demandée le plus souvent aux animaux et même à l’homme. Dans un pays où les notions mécaniques seraient plus répandues, ces moteurs si coûteux seraient remplacés bientôt, dans une forte proportion, par d’autres plus économiques.

L’homme ne peut multiplier les chutes d’eau à son gré, il n’en a que ce que lui donne la nature ; mais il a le pouvoir de mieux utiliser celles qu’il possède. Rien ne serait plus aisé que d’avoir des roues hydrauliques mieux disposées que celles qu’on aperçoit sur les mines du Mexique et du Pérou, et qui y sont très-rares. Dans plus d’une circonstance, en ces régions où l’eau pluviale est trois fois aussi abondante qu’à Paris, il serait possible de l’emprisonner dans de profonds vallons où l’on dirigerait aussi la fonte des neiges des glaciers éternels, placés à la cime des montagnes, et l’on se créerait ainsi de vastes

  1. Ce procédé consiste à substituer au mercure dans le travail du patio un amalgame de cuivre. M. Duport décrit en détail les effets de ce nouvel ingrédient.