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de recevoir ce métal de l’Europe, pourraient un jour en fournir à l’ancien monde. »

Au commencement du siècle, alors que les mines d’argent du Nouveau-Monde étaient exploitées plus activement qu’aujourd’hui, elles réclamaient ensemble 1,350,000 kilogrammes de mercure. Celles du Mexique seul en absorbaient 750,000. L’Europe leur en fournissait 1,150,000 kilogrammes sur 1,700,000 qu’elle rendait, n’en retenant ainsi pour elle-même que 550,000 kilogrammes. En ce moment, l’Amérique absorbe à peu près la même quantité de mercure, quoiqu’elle produise moins d’argent, parce que la méthode d’amalgamation au patio a pris de l’extension. Ainsi un ou deux gouvernemens étrangers, dont on est séparé par l’Océan, ou bien une ou deux maisons de commerce substituées à ceux-ci, tiennent entre leurs mains le sort des mines d’argent, ont le pouvoir d’en resserrer ou d’en accroître la production, d’exercer ainsi de l’influence sur l’abondance ou la rareté du signe représentatif de la richesse dans le monde entier, ou tout au moins d’élever le prix de l’argent à leur profit. On conçoit que, pour les états de l’Amérique espagnole surtout, ce soit une dépendance à laquelle ils aient le désir de se soustraire.

Pour atteindre ce but, un moyen plus sûr encore que tous les autres consisterait à modifier le traitement du minerai de manière à réduire, dans une forte proportion, la dose de mercure qui y est aujourd’hui nécessaire. Sur ce point ; l’industrie argentière du Nouveau-Monde a présenté sa requête à la science européenne, qui a un immense arsenal d’expédiens de laboratoire propres à être convertis en procédés industriels. Le temps où nous vivons tirera l’un de ses titres de gloire de l’application des connaissances humaines aux besoins des sociétés. La science par là fait tourner au bien-être des générations présentes et futures les secrets que les labeurs et le génie des générations passées ont dérobés à la nature. A la demande de l’industrie métallurgique du Nouveau-Monde, la science européenne a répondu d’abord en recommandant d’imiter la méthode pratiquée avec un grand succès à Freiberg en Saxe, où l’amalgamation, faite dans des tonneaux qui tournent sur eux-mêmes, s’opère en moins d’heures qu’il n’y faut de jours de l’autre côté de l’Océan, et avec laquelle la consommation du mercure est très faible ; mais cette solution du problème ne tenait pas compte des conditions auxquelles s’exerce l’industrie argentière dans l’autre hémisphère. Elle supposait la facilité d’avoir à bas prix des matières qu’en Europe on est habitué à se procurer abondamment à très peu de frais, à ce point que le bon marché et l’abondance de ces matières y sont réputés des faits généraux permanens, absolus, mais que, malheureusement, le mineur mexicain ou péruvien n’a pas ainsi à sa disposition. Ainsi le procédé de Freiberg, toutes les fois que le minerai ne renferme par une certaine proportion