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chinois, fût-il impur, serait facile à rectifier. Le Céleste Empire en ce moment se lie avec les peuples de notre civilisation par des échanges beaucoup plus actifs. L’Angleterre et les États-Unis y jettent leurs productions en grande quantité, et il ne dépend que des autres nations d’en faire autant. Le thé ne suffit plus pour les retours. Si donc, parmi les principaux pays argentifères, il s’en rencontrait un dont les citoyens eussent le génie commercial, des rapports s’engageraient indubitablement entre le revers occidental du nouveau continent et les ports chinois. De cette manière, les mineurs du Nouveau-Monde se soustrairaient facilement au monopole des détenteurs du mercure en Europe. C’est même une mission que pourront se donner des tiers ; je ne serais pas étonné de voir les Américains du nord, par exemple, s’en charger et en recueillir le bénéfice.

Il y aurait une autre manière de lever la difficulté qu’éprouve le mineur de l’Amérique espagnole à se procurer du mercure à un prix satisfaisant : ce serait d’en faire sortir du sol américain même. A une époque assez reculée déjà, de remarquables indices de mercure avaient été signalés au Mexique, au Pérou, dans la Nouvelle-Grenade et sur d’autres points encore du Nouveau-Monde. Peu de contrées présentent des apparences de cinabre[1] en couches ou en filons aussi nombreuses que le plateau formé par la chaîne des Andes du 19e au 22e degré de latitude boréale, c’est-à-dire au cœur du Mexique. Des recherches faites dans ces espaces conduisirent, dans le dernier siècle, à quelques gîtes intéressans qui furent mal reconnus et dont on ne tira aucun parti. Au Pérou, les indices de mercure sont plus multipliés encore, et, dès 1570, une belle mine y fut découverte et exploitée à Huancavelica. Elle donnait depuis long-temps à peu près autant de mercure qu’en réclamait la vice-royauté du Pérou, lorsque, pendant les dernières années du XVIIIe siècle, l’imbécillité de l’intendant chargé de surveiller l’exploitation pour le compte de la couronne causa dans la mine un écroulement général qui la fit abandonner, quoique l’accident ne fût rien moins qu’irréparable, car il eût été très facile de reprendre un peu plus loin le même filon, qui est reconnu sur une grande longueur. A partir de cette époque, l’exploitation grossière, par les Indiens, des affleuremens de petits filons situés aussi non loin de Huancavelica, près de Sillacasa, produisait encore annuellement 140,000 kilogrammes de mercure, ce qui paraissait justement à M. de Humboldt une preuve de l’abondance du mercure dans cette partie des Andes. L’illustre voyageur n’a pas craint de dire que « peut-être le Mexique et le Pérou, au lieu

  1. Mercure sulfuré. C’est à et état que le mercure se présente le plus fréquemment dans les gîtes exploitables.