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Des exhibitions comme celle de la Reine Margot sont un désastre pour l’art sérieux. Puissent le gouvernement et les chambres donner bientôt à la haute littérature et au Théâtre-Français les moyens de lutter avec succès contre ces entraînemens qui tendent à dégrader l’art dramatique ! Nous trouvons dans le dernier drame de M. Léon Gozlan des intentions élevées et des effets d’une touche vigoureuse. Le sujet qu’il a choisi était épineux à traiter, car il est pris, au vif dans l’histoire de nos mœurs contemporaines. Si l’auteur n’en a pas vaincu toutes les difficultés, il a du moins, par d’heureux efforts, mérité souvent des applaudissemens qui ne lui ont pas fait défaut. Comment parler du théâtre, des plaisirs et de la gloire qu’il peut donner, sans avoir une pensée pour l’admirable artiste que l’élite de la société parisienne a suivie à la dernière demeure, il y a quelques jours ? Paris, comme une autre Athènes, a eu des hommages unanimes pour la femme célèbre qui avait su conquérir au théâtre une renommée sans égale, et dont l’inimitable jeu reflétait les deux principales qualités du génie national, le bon sens et le bon goût. Parvenu à ce degré de supériorité, le talent de l’artiste dramatique s’associe en quelque sorte à la gloire des plus illustres auteurs, et le souvenir qu’il laisse après lui se confond avec les traditions littéraires du pays.




Si parmi les poètes et les écrivains il en est que le bruit attire et qui ne trouvent jamais leur nom répété par assez d’échos, il en est aussi qui recherchent l’ombre et qui reculent devant les applaudissemens. On aime à rencontrer, à, signaler de pareilles délicatesses. Nous ne nous trompions pas lorsqu’en publiant, il y a quinze jours ; le Médecin du village, nous exprimions l’espoir que ce touchant récit retrouverait dans un cercle agrandi l’accueil que lui avaient déjà fait quelques lecteurs intimes. Cet accueil a été tel que nous l’attendions, et les éloges que nous donnions à un talent si achevé dans sa grace sont désormais confirmés par de nombreux suffrages. Nous ne nous trompions pas non plus quand nous ajoutions que l’auteur pouvait voir, dans cette publicité donnée à des pages écrites d’abord pour quelques amis seulement, une sorte de violence faite à sa modestie. C’est donc sans hésiter que nous déclarons que le Médecin du village a été publié ici sans le consentement de l’auteur. Ce consentement, nous ne l’avons pas attendu ; mais qu’il nous soit permis de demander au public, juge compétent en pareille matière, s’il nous trouve bien coupables. Notre discrétion, approuvée d’un côté, n’eût-elle pas été blâmée de l’autre ? Préciser cette position, comme nous le faisons aujourd’hui, c’est concilier, nous le croyons, toutes les exigences.


— LETTRES INÉDITES DES FEUQUIÈRES, tirées des papiers de famille de Mme la duchesse Decazes et publiées par M. Étienne Gallois[1]. — Les mémoires et les lettres des contemporains fournissent à l’histoire ses plus précieux matériaux ; mais les mémoires ne sont le plus souvent écrits que lorsque déjà les faits s’éloignent et les souvenirs s’effacent. L’écrivain d’ailleurs pense beaucoup à lui ; il

  1. Paris, Leleux, 5 vol, in-8o.