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le rapport de l’or à l’argent peut varier vite et beaucoup, parce qu’alors une agglomération un peu considérable, subitement jetée dans la circulation, ne se nivelle pas immédiatement. C’est ainsi que l’or rapporté des Gaules par César ou pris par lui dans le trésor de la république, où la prudence du sénat en avait entassé une grande quantité pour les besoins de l’état, fit tomber ce métal au point qu’il ne valut plus que neuf fois l’argent ; un peu avant, à la suite de la prise de Syracuse, ce rapport s’était élevé exceptionnellement un peu au-delà de 17. La proportion commune alors était de 12. La conquête d’Alexandre, qui fit sortir de l’Asie d’immenses trésors jusque-là enfouis dans l’épargne des princes, abaissa de même, pour la durée d’un siècle, à 10 le rapport, qui était auparavant de 12 et même de 13. C’est le rapport de 10 qui prévalait en Asie.

Avant la découverte du Nouveau-Monde, l’or valait, en Europe, environ dix fois l’argent. L’Amérique a tant fourni de ce dernier métal, que la valeur relative de l’or s’est successivement élevée. Elle oscilla, pendant le siècle qui s’écoula après la découverte, entre 10 sept dixièmes et 12. Dans les deux derniers siècles, elle a flotté, tout en s’élevant dans son mouvement général, entre 14 et 16. Depuis plusieurs années, elle se tient constamment entre 15 et demi et 15 trois quarts. De ces variations, on peut tirer une conséquence pratique : tout système monétaire, qui prétend fixer un rapport absolu entre les deux métaux est vicieux. De deux choses l’une : ou il faut n’avoir de monnaie légale qu’un seul métal, c’est le parti qu’a adopté l’Angleterre, qui a choisi l’or ; ou, si l’on juge à propos de les admettre tous les deux, il est nécessaire que les deux monnaies soient indépendantes l’une de l’autre et que chacune des deux unités monétaires soit dans un rapport simple avec l’unité de poids. Ainsi, de même que le franc est un poids de 5 grammes d’argent au titre de 9 dixièmes de fin, la monnaie d’or devrait être un poids de 5 ou 10 grammes, qui serait au même titre, puisque nous avons adopté d’une manière absolue le système décimal. L’usage règlerait ensuite, à chaque instant et pour chaque transaction, le rapport de l’un des métaux à l’autre. Les contrats spécifieraient séparément les conventions des parties en l’un ou l’autre métal. Pour avoir voulu appeler 20 francs une pièce d’or contenant 5 grammes 806 millièmes de métal fin, après avoir défini le franc 4 1/2 grammes d’argent fin, on a forcé l’or à fuir du sol français. Les Espagnols avaient été mieux avisés quand ils avaient pris un poids déterminé[1] pour unité de la monnaie tant d’argent que d’or.

En Asie, le rapport des deux métaux est tout différent. Dans le Japon,

  1. On taille 8 piastres et demie d’argent au marc espagnol, et le poids du quadruple d’or est le même que celui de la piastre.