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domi- en Afrique, quel doit y être l’état de nos forces, et de quelle manière il convient d’administrer les peuples qui y vivent. Assurément la commission et la chambre, en posant ainsi les questions, ont montré qu’elles avaient pour notre établissement d’Afrique non-seulement une bienveillante sympathie, mais la volonté d’employer les moyens les plus propres à en hâter le développement. La commission et la chambre ont voulu aiguillonner le gouvernement : ceux qui voient dans l’avenir prospère de l’Algérie une des conditions nécessaires de la puissance française doivent-ils s’en plaindre ? Ne doivent-ils pas plutôt se féliciter de ces excitations adressées par la chambre au pouvoir ? Aux deux articles du projet de loi sur les crédits extraordinaires, la commission en a ajouté un troisième ainsi conçu : « Il sera rendu compte aux chambres, dans la session de 1848, de l’organisation de l’administration civile en Algérie. » Le cabinet a adopté l’article sans débat, avec empressement. Il a reconnu avec raison que cet article lui créait comme une nécessité salutaire d’imprimer plus d’activité à l’organisation civile de la colonie, et de ne rien négliger pour obtenir des résultats qui seront attendus et contrôlés.

Après la loi relative aux crédits extraordinaires de l’Algérie, la chambre devait examiner un autre projet par lequel on lui demandait 3 millions pour des camps agricoles. C’était là le plan de prédilection de M. le maréchal Bugeaud. Choisir parmi les soldats de bonne volonté les plus capables, leur donner un congé de six mois pour aller se marier en France ; à leur retour, les placer avec leurs compagnes sur un petit domaine, leur donner un petit mobilier, des bestiaux, des instrumens de travail, leur laisser la solde et l’habillement pendant trois ans, leur fournir les vivres ; enfin, à l’expiration de leur service militaire, faire passer les colons sous le régime civil : tel était en substance l’essai pour lequel le gouverneur-général désirait que le gouvernement et les chambres missent des ressources particulières à sa disposition. La commission, le second rapport de M. de Tocqueville en fait foi, s’est livrée à un examen sérieux du plan du maréchal ; elle l’a comparé tour à tour aux régimens-frontières de l’Autriche, aux colonies militaires de la Russie. Après avoir établi que la mesure qu’on lui proposait devait être jugée plus par des considérations économiques que par des considérations militaires, elle s’est convaincue qu’un pareil projet n’était ni utile ni nouveau. Déjà des essais de ce genre ont été tentés, ils ont été malheureux. La commission s’est trouvée unanime pour voter le rejet du projet. En le retirant, le ministère a épargné à la chambre des débats dont il était facile de prévoir le résultat négatif, et, en vérité, après la brusque façon dont le maréchal Bugeaud avait quitté l’Afrique, il n’avait rien de mieux à faire. Au reste, les travaux et le rapport de la commission témoignent plus que jamais d’une intention sincère de fonder en Afrique une colonie puissante. La commission a étudié deux plans de colonisation que lui avait communiqués le gouvernement, l’un pour la province de Constantine, l’autre pour celle d’Oran ; elle a approuvé les principes qui en forment la base commune ; ce sont des jalons pour l’avenir.

Le ministère ne parait pas encore avoir pris de parti dans l’importante question du gouvernement général de l’Algérie. M. le maréchal Bugeaud persévérera-t-il dans ses projets de retraite définitive ? Il est en ce moment à Excideuil. Viendra-t-il à Paris comme il y a été invité ? Nous comprenons que le cabinet ne veuille pas prendre au mot le maréchal, et qu’il l’interroge encore une fois