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consacrer l’inviolabilité du roi, le lecteur n’est pas peu surpris de rencontrer une longue digression où Voltaire est magnifiquement célébré. C’est pour le rival de Rousseau une nouvelle et éclatante réparation. « Voltaire, dit M. de Lamartine, est incontestablement le plus puissant des écrivains de l’Europe moderne… Sa plume a soulevé tout un vieux monde et ébranlé, plus que l’empire de Charlemagne, l’empire européen d’une théocratie. Son génie n’était pas la force, c’était la lumière. Dieu ne l’avait pas destiné à embraser les objets, mais à les éclairer. Partout où il entrait, il portait le jour. La raison, qui n’est que lumière, devait en faire d’abord son poète, son apôtre après, son idole enfin. » Ces lignes remarquables paraîtront encore plus piquantes à ceux qui se rappelleront ces vers de M. de Lamartine à M. de Bonald :

Ainsi les sophistes célèbres
Dissipant les fausses clartés,
Tu tires du sein des ténèbres
D’éblouissantes vérités…, etc.

Que dirait l’auteur de la Législation primitive, s’il lisait aujourd’hui l’Histoire des Girondins ? Pour revenir à la constituante, M. de Lamartine, en dépit de son plan, a été tellement préoccupé de l’importance de cette assemblée, qu’après avoir raconté les premières séances de la législative et nous avoir fait entrevoir ses héros, les girondins, il retourne une dernière fois sur ses pas pour consacrer un livre entier, le septième, à un jugement sur la plus imposante réunion d’hommes qui eût jamais représenté non pas la France, mais le genre humain. Voici l’arrêt de M. de Lamartine : L’assemblée constituante avait le droit de choisir entre la monarchie et la république, et elle devait choisir la république. Si la constituante se fût arrêtée à ce dernier parti, il n’y aurait eu, selon M. de Lamartine, ni 10 août, ni 21 janvier, ni massacres de septembre, ni 31 mai ; Marie-Antoinette ne serait pas montée sur l’échafaud ; enfin la guerre pouvait être évitée, ou, si la guerre était inévitable, elle eût été plus unanime et plus triomphante. Voilà comment, toujours suivant M. de Lamartine, une origine légale donnée à la république eût changé le sort de la révolution. Ainsi, devant une loi de la constituante proclamant la déchéance de la monarchie se serait arrêté le torrent populaire ! Ne fût-il pas au contraire devenu plus rapide ? Déjà, en 91, de pareilles idées eussent été des illusions ; mais de quel nom les appeler en 1847, après les leçons de l’expérience et de l’histoire, qui donnent un si complet démenti à cette thèse étrange et frivole ?

Enfin nous arrivons aux girondins. « J’entreprends d’écrire l’histoire d’un petit nombre d’hommes qui, jetés par la Providence au centre du plus grand drame des temps modernes, résument en, eux les idées, les passions, les fautes, les vertus d’une époque, et dont la vie et la politique,