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REVUE DES DEUX MONDES.

d’une nationalité qui s’éteint sans presque avoir duré parce qu’elle n’a pas conscience d’elle-même, le peu d’hommes courageux qui restent encore au Mexique ne reculent pas pour sauver leur patrie devant les moyens les plus extrêmes, et viennent hardiment invoquer le secours de l’Europe.



REVUE LITTÉRAIRE.


Le spectacle que donne en ce moment la littérature simplifie singulièrement la tâche de la critique. Jamais le silence, à l’égard de certains romanciers, ne nous a été plus facile. Ceux mêmes dont nous avions si souvent condamné les écarts semblent se plaire à nous donner raison. Si sévère que pût être notre langage, il n’égalerait jamais en cruelle précision les aveux qui leur échappent, depuis qu’ils plaident au lieu d’écrire. C’est là pour nous un triste avantage, et dont nous ne voulons pas nous réjouir. Nous avons quelquefois suivi le roman quotidien dans l’arène bruyante du feuilleton, nous ne le suivrons pas dans cette autre arène où il défend aujourd’hui, on sait en quel style, des intérêts qui n’ont rien de commun avec la cause des lettres. Constatons seulement un point que ces étranges débats auront du moins mis en lumière : c’est que la lassitude n’est plus seulement dans le public, elle est chez les écrivains dont la plume affrontait le plus résolûment les hasards de l’improvisation, elle est aussi chez ceux dont le patronage intéressé n’a eu trop long-temps que complaisance pour leurs plus folles prétentions. Il n’y a rien là qui doive nous surprendre. L’alliance conclue entre les premiers et les seconds devait aboutir tôt ou tard à de pareils conflits Un succès constant, une fécondité intarissable, étaient les conditions de ce pacte que le premier échec, les premiers symptômes d’épuisement devaient rompre. Aujourd’hui l’impossibilité d’un accord durable entre des exigences incompatibles est trop clairement démontrée pour que nous insistions sur un fait désormais acquis. Nous aimons mieux profiter des loisirs que nous laisse le roman pour parler de quelques publications qui, en nous replaçant sur un terrain plus sérieux, nous ramènent à des questions plus dignes de la critique.


MAHOMET LÉGISLATEUR DES FEMMES, par M. de Sokolnicki[1]. — La période littéraire où nous vivons ressemble beaucoup à celle qui commença la seconde moitié du XVIIIe siècle. Alors comme aujourd’hui on se jetait dans la curiosité, dans les recherches excentriques, dans le paradoxe en un mot. Si le paradoxe a perdu le XVIIIe siècle, comme on l’a dit, que fera-t-il encore du nôtre ? N’y reconnaît-on pas le mélange le plus incohérent d’opinions politiques, sociales et religieuses, qui se soit vu depuis la décadence romaine ? Ce qui manque, c’est un génie multiple, capable de donner un centre à toutes ces fantaisies égarées. À défaut d’un Lucien ou d’un Voltaire, la masse du public ne prendra qu’un intérêt médiocre à cet immense travail de décomposition où s’évertuent tant d’écrivains ingénieux.

  1. 1 vol. in-8o, au Comptoir des imprimeurs-unis.