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soldats au feu pour se cacher sous les voûtes d’une église, comme Ampudia et Requena à Monterey ; des soldats qui traînent avec eux leurs femmes, leurs concubines et leurs enfans, qui n’ont souvent pour armes que des lazos, qui se débandent, officiers en tête, au premier bruit de la fusillade, comme dans la bataille du Rio-Grande ; quelques méchantes pièces de campagne mal montées et mal servies, ce sont là toutes les ressources militaires dont Santa-Anna aura dû faire quelque chose dans ses retranchemens de San-Luis. A Mexico, il y a cinq ou six canons de petit calibre qu’on y a laissés pour les salves de cérémonie. La milice dite nationale est divisée en deux bandes : les leperos, de véritables lazzaroni qui ont vendu leurs armes et pillé les casernes où l’on avait essayé de les enrégimenter ; les bataillons fournis par le commerce et l’administration, et qui, trop heureux d’avoir désarmé à prix d’argent leurs redoutables camarades, gardent la ville contre ces brigands de l’intérieur sans trop savoir comment ils la garderaient devant l’ennemi. Le gouvernement, pour avoir de l’argent, frappe d’emprunts forcés les gros propriétaires, ou traite avec les capitalistes étrangers en leur donnant hypothèque sur les biens du clergé. Celui-ci exaspéré ne serait pas très loin de reconnaître, ou la dictature de Santa-Anna, ou la domination des Yankee pour échapper à cette ruine imminente. Partout on vit au jour le jour. Le président Salas, que le nouveau congrès a remplacé par Santa-Anna, était un homme faible qui a laissé ses ministres trafiquer de la chose publique avec une impudeur révoltante au Mexique même, Tout ce que Santa-Anna fera de mieux, ce sera peut-être de trafiquer pour son compte.

Cependant il est tenu jusqu’à présent en bride par la vigueur avec laquelle manœuvre le parti fédéraliste. Ce sont les fédéralistes qui l’ont rappelé en haine des intentions monarchiques de Paredès comme ils l’avaient chassé lui-même dix-huit mois auparavant en haine de sa tyrannie. Tant de fois trompés par l’astuce de Santa-Anna, ils sont aujourd’hui sur leurs gardes. Santa-Anna, de son camp de San-Luis, avait publié un décret qui le désignait d’avance comme le chef souverain de la république. Les fédéralistes l’ont donc nommé président ; mais, obligé de rester à la tête de l’armée dans l’intérêt même de sa popularité, il a dû accepter un collègue qui n’est en réalité qu’un surveillant jaloux ; on a nommé à la vice-présidence le docteur Gourez Farias, le chef des exaltés, qui s’était déjà trouvé au même poste vis-à-vis de Santa-Anna. Le cabinet, à l’exception d’un seul ministre, a été composé dans le sens radical, et Santa-Anna, malgré son décret impérieux de San-Luis, doit, comme chef de l’armée, suivre plus ou moins les ordres qui lui viennent de ses ennemis secrets établis au centre du gouvernement comme chefs suprêmes du pouvoir exécutif. Cette situation à la fois violente et fausse ne peut ni durer ni se résoudre sans de nouveaux bouleversemens. Santa-Anna promet secrètement à ses officiers de les ramener bientôt à Mexico pour jeter à bas tout l’édifice de l’autorité civile et renverser la tyrannie fédéraliste. Les fédéralistes poussent d’autant plus à la guerre pour écarter Santa-Anna, pour compromettre, s’il est possible, dans quelque mésaventure sa renommée militaire déjà fort entamée. Ils se servent d’ailleurs du pouvoir en gens qui sont à la veille de le perdre, et la population de Mexico passe ainsi par les transes les plus cruelles sans qu’il y ait de garantie d’aucune part ni pour les personnes ni pour les propriétés. On comprend bien que, désespérant