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la restauration de la monarchie dans ces contrées si long-temps gouvernées par la monarchique Espagne. La chute d’Iturbide, en 1824, avait découragé les adorateurs trop empressés de sa pourpre impériale ; avec plus de sang-froid et de maturité, l’on a repris aujourd’hui cette idée qui n’avait alors abouti qu’à un avortement ; on la suit avec patience, et l’on brave assez résolûment de nouveaux échecs. Le général Paredès n’était arrivé à la présidence, d’où Santa-Anna l’a précipité, que pour travailler au plus prochain succès du principe monarchique ; mais il l’avait trop ouvertement proclamé dans son manifeste, et il fut obligé de se rétracter plus ou moins devant le congrès. Les monarchistes se trouvèrent ainsi livrés sans défense à la rancune des fédéralistes, qui ne les épargnent guère, et Paredès lui-même fut renversé comme on l’a vu. Le Tiempo, organe de cette opinion, cessa de paraître, et tous ceux qui la professaient ont dû se renfermer dans un prudent silence devant une réaction victorieuse. Le cabinet de Washington a d’ailleurs activement combattu ces tendances si contraires aux institutions qu’il voudrait propager dans toute l’Amérique ; il entretient à Mexico même de nombreux émissaires, et il ne s’est point caché d’avoir contribué beaucoup à la chute de Paredès pour le punir de ses velléités monarchiques. Voilà certes une intervention plus redoutable encore pour les monarchistes que l’opposition intérieure des fédéralistes radicaux.

Nous croyons cependant qu’il y a là des chances réelles d’avenir ; tous les centralistes modérés, tous ceux qui ne veulent ni de la loi du sabre ni de la loi des clubs, se rallient intérieurement à la pensée d’un régime aussi ferme, mais moins tendu que la dictature d’un président comme Santa-Anna. Malheureusement ce défaut d’esprit public, cette timidité, cette inertie que nous avons signalés paralysent leurs intentions. Quelques hommes seulement ont osé se mettre en avant avec courage, et parmi ceux-là nous citerons surtout M. Guttierez, ancien ministre des affaires étrangères, qui, il y a quelques années déjà, proposa hautement la transformation de la république en monarchie comme la seule voie de salut qui restât au Mexique. Ce que voudraient surtout ces rares citoyens d’une patrie trop abandonnée, ce serait que l’Europe vint à leur secours et qu’une grande conférence sauvât la nationalité mexicaine comme elle a restitué la nationalité hellénique, en lui donnant une souche royale. L’état actuel de l’Europe se prête malheureusement moins que jamais à des combinaisons de ce genre, mais on ne saurait s’empêcher d’être frappé des considérations d’intérêt très direct par lesquelles les monarchistes mexicains s’efforcent d’attirer sur eux l’attention européenne. Les Américains, disent-ils, vont pénétrer au cœur des districts des mines. L’Europe sera privée tout d’un coup des 20 millions de piastres (100 millions de francs) que le Mexique verse tous les ans sur ses marchés ; qu’elle calcule les conséquences de cette perturbation ! Les Américains, toujours à court de numéraire, garderont avidement pour leurs entreprises intérieures cette masse métallique qui jusqu’ici avait alimenté les capitaux européens et contribué partout à réduire le taux de l’argent. Jusqu’où ce déficit ne se fera-t-il pas sentir ? Nous croyons pour notre part qu’il y a là une face de la question américaine qu’on n’a point assez étudiée.

Tel est d’ailleurs le désordre qui règne dans toutes les fonctions de la république mexicaine, qu’on se refuse à penser qu’elle ne doive point tomber en poussière, si quelque secours inattendu ne lui survient. Des généraux qui laissent leurs