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taillon tory qui en ce moment ne veut plus reconnaître la direction de sir Robert Peel. Il est naturel que ce dernier protège le ministère whig, puisqu’en ce moment il n’est pas en mesure de lui succéder. Il compte sur le temps, sur sa supériorité connue dans les questions intérieures et financières, pour retrouver la plus grande partie des forces qu’il a perdues et ne laisser à lord George Benlinck qu’une petite phalange de protectionistes exagérés. Quant à l’avenir du ministère whig, les élections générales en décideront cette année. Quelques amis de lord Palmerston affectent une grande confiance dans le résultat futur de ces élections ; à les entendre, les tories manquent d’hommes, et les whigs au contraire se fortifient tous les jours. On représente les anciens chefs du parti tory, sir Robert Peel, sir James Graham et lord Aberdeen, comme disposés à se désintéresser eux-mêmes de toute participation directe au pouvoir, pour se contenter du rôle de soutiens du ministère whig. Ce serait de leur part une bien grande abnégation. Nous avons peine à croire que ces hommes éminens et leurs amis ne se croient plus d’autre avenir que de servir d’appoint pour donner la majorité à leurs anciens adversaires.

Au reste, depuis quelque temps, ni dans la chambre des communes, ni dans la chambre des lords, il n’y a eu de débat politique proprement dit ; toute l’attention du parlement s’est concentrée sur la situation intérieure du pays. Cette situation serait florissante sous le rapport financier, si l’Angleterre n’avait pas d’autre budget que son budget ordinaire : malheureusement il y a le budget de l’Irlande. Pour subvenir aux besoins les plus urgens de cet infortuné pays, le gouvernement est obligé d’emprunter 200 millions de francs. Cette nécessité a été mise dans tout son jour par le chancelier de l’échiquier, sir Charles Wood, qui a déclaré en même temps au nom du cabinet laisser au prochain parlement le soin de statuer sur la prolongation de l’income-tax, qui légalement finit cette année. Il ne faut pas oublier en effet que, si le budget ordinaire a présenté un certain excédant des recettes sur les dépenses, cet excédant est dû à la taxe générale établie sur les revenus par sir Robert Peel. L’income-tax semble faire maintenant partie du budget normal : à coup sûr, il sera renouvelé. Seulement le ministère whig ne s’est pas senti assez fort pour prendre la responsabilité d’un pareil acte : tout le monde n’a pas l’habile et audacieuse résolution de sir Robert Peel.

Il semblerait qu’un ministère exclusivement occupé des embarras intérieurs de la Grande-Bretagne devrait apporter dans les affaires du dehors une grande modération et beaucoup de réserve. C’est ainsi, nous le croyons, que plusieurs des membres du cabinet dont lord John Russell est le chef comprennent la situation et les devoirs qu’elle leur impose ; mais ils ont au milieu d’eux lord Palmerston, et ils sont jusqu’à un certain point obligés d’accepter la solidarité d’une conduite qu’ils ne peuvent désavouer, même en ne l’approuvant pas. Les partisans de lord Palmerston affirment qu’il ne fait rien sans le concours du cabinet. Nous comprenons qu’il ait aujourd’hui pour ses collègues plus de ménagemens qu’il n’en montrait autrefois. Il n’est plus en situation, comme en 1840, de prendre à l’insu de la plus grande partie des membres du cabinet une de ces résolutions qui changent la face de la politique. Il se voit obligé maintenant à plus d’égards et de précautions. Cependant l’homme est toujours là avec ses passions et ses ressentimens. Nous pouvons, sans exagération, écrire