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LES PIGEONS DE LA BOURSE.


Pigeons, vous que la muse antique
Attelait au char des amours,
Où volez-vous ? Las ! en Belgique,
Des rentes vous portez le cours !
Ainsi, de tout faisant ressource,
Nobles tarés, sots parvenus,
Transforment en courtiers de bourse
Les doux messagers de Vénus.

De tendresse et de poésie,
Quoi ! l’homme en vain fut allaité !
L’or allume une frénésie
Qui flétrit jusqu’à la beauté !
Pour nous punir, oiseaux fidèles,
Fuyez nos cupides vautours.
Aux cieux remportez sur vos ailes
La poésie et les amours.


Béranger.


C’est une bonne fortune que de pouvoir offrir au public quelques vers échappés à la muse, aujourd’hui trop discrète, qui a chanté le Dieu des bonnes gens. La pièce qu’on vient de lire porte dans sa brièveté même la vive empreinte du talent qui a le mieux su de notre temps unir la concision et la grace. On y sent les ailes, on y sent aussi l’aiguillon de l’abeille. Le cadre étroit de certaines épigrammes antiques admettait de même la double inspiration de l’ode et de la satire. Cette pièce inédite trouvera place, avec quelques autres, dans une édition illustrée des Chansons de Béranger que publie l’éditeur Perrotin.