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une grande moraine calcaire sortie de la vallée du Bornand à l’époque où un glacier débouchait de cette vallée pour se réunir à celui de l’Arve. Sur plusieurs points, on peut voir la moraine granitique et la moraine calcaire se toucher sans se confondre, à l’entrée, par exemple, de la ville de la Roche du côté de Bonneville, et auprès du pont de Bellecombe, au-dessous du village de Nangy. A un kilomètre en amont de ce village, tous les voyageurs remarquent deux rochers escarpés qui s’élèvent près de la route. L’un supporte un pavillon, c’est le Château de pierre ; l’autre, un bouquet de pins de l’effet le plus pittoresque. Ces deux rochers sont les derniers blocs de la moraine calcaire du Bornand, poussés jadis par le glacier jusque sur la rive droite de l’Arve.

Au-delà de Nangy, la plaine comprise entre le flanc méridional des Voirons et le revers oriental des monts Salèves est semée de blocs de protogine, qui se sont accumulés principalement sur le plateau des Bornes, situé derrière ces montagnes ; mais c’est sur la face orientale des deux Salèves qu’il faut chercher la moraine terminale du glacier de l’Arve. Malgré une exploitation active qui dure depuis plusieurs années, la croupe arrondie de ces deux montagnes est partout recouverte de ces blocs. Un grand nombre d’entre eux ont pénétré dans la gorge de Monetier, d’autres sont restés suspendus au haut de l’escarpement qui regarde Genève, ou ont été précipités dans la plaine dont cette ville occupe le centre. Près du village de Mornex, situé sur le revers oriental du petit Salève, on trouve aussi des roches polies et des amas considérables de sable, de gravier et de cailloux striés. Ainsi toutes les preuves de l’ancienne existence d’un glacier sont réunies sur le versant oriental des Salèves, aussi visibles, aussi incontestables que dans la vallée de Chamonix, berceau du glacier gigantesque dont nous avons suivi les traces. Pour lui, les Salèves n’étaient point une barrière infranchissable ; il a dépassé leurs cimes, contourné leurs extrémités et jeté ses derniers blocs sur le mont de Sion, renflement mollassique situé au sud de Genève et point de partage des eaux qui se rendent dans le lac Léman ou dans celui d’Annecy. Les blocs de protogine occupent les parties les plus élevées du mont de Sion, et le dernier groupe couronne le sommet d’une colline qui s’élève au-dessus du village de Vers, près de la route de Genève à Chambéry.

Sur les deux versans du mont de Sion, le géologue trouve des blocs erratiques de nature très variée, et, en se rappelant les montagnes où ces roches forment des massifs considérables, il acquiert la conviction qu’il se trouve au point de rencontre de trois grands glaciers antédiluviens, celui du Rhône, qui remplissait tout le bassin du Léman ; celui de l’Isère, qui débouchait par les lacs d’Annecy et du Bourget, et celui de l’Arve, qui, s’intercalant entre eux comme un coin aigu, venait se terminer près du village de Vers. L’humble mont de Sion était, comme