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du village de ce nom ; un autre, situé près du hameau des Caches, à une petite distance de Sallenches, est célèbre dans le pays sous le nom de Pierre à Mabert.

La grande accumulation de blocs qui fait de la moraine de Combloux une des plus remarquables dans les Alpes s’explique aisément, si l’on considère que dans ce point le contrefort de la vallée est précisément en face de la gorge de Servoz, par où le glacier de l’Arve débouchait dans la plaine de Sallenches. Cette moraine était donc à la fois latérale et frontale comme celle du glacier actuel de Lauteraar, près du Baerenritz. L’imagination ose à peine supputer l’espace de temps pendant lequel le glacier y a déposé les blocs arrachés aux aiguilles qui environnent le Mont-Blanc. Quelques-uns ont pénétré avec ceux du glacier du Bonnant dans la haute vallée de Megève, qui s’ouvre entre Saint-Gervais et Combloux ; mais ils n’ont guère dépassé le point de partage des eaux de l’Arve et de l’Isère. La vallée de Megève ne se terminant point par un cirque couronné de hautes montagnes, on comprend qu’elle n’ait pas donné naissance à un glacier comme le val Montjoie ; mais, comme elle s’ouvre d’un côté dans la vallée de l’Arve, de l’autre dans celle de l’Isère, il est probable que deux rameaux des glaciers de même nom se rencontraient à l’endroit où se trouve actuellement le bourg de Megève, car au-delà, sur le versant de l’Isère, on ne trouve plus ces blocs de protogine qui caractérisent les glaciers du Mont-Blanc.

En continuant à descendre le cours de l’Arve, on entre dans la vallée de Maglan, et l’on peut s’assurer que la moraine de Combloux ne s’arrête pas à Sallenches. D’innombrables blocs de protogine couvrent toutes les pentes qui dominent la rive gauche de la rivière. Au défilé de Cluses, plusieurs d’entre ces blocs sont visibles de la grande route, et je les ai poursuivis jusqu’à la hauteur de 286 mètres, qui n’est certainement pas la limite extrême de la moraine. Les blocs erratiques manquent totalement sur la rive droite, dans toute la vallée de Maglan. D’où vient cette différence ? Pourquoi trouvons-nous des milliers de blocs de protogine sur la rive gauche de l’Arve et pas un seul sur la rive droite ? Depuis Servoz jusqu’à Saint-Martin, en face de Sallenches, on pourrait croire que les blocs sont enfouis sous les éboulemens de la montagne de Fis et de l’aiguille de Varens ; mais au-dessus de la gracieuse cascade du Nant d’Arpenaz et du village de Maglan, la montagne offre des gradins découverts. Mgr Rendu a déjà résolu cette difficulté : il fait observer qu’à la hauteur de Servoz, un puissant glacier venant du Buet devait déboucher dans celui de l’Arve par le col d’Anterne. Cet affluent considérable, marchant parallèlement au glacier de l’Arve dont il formait le flanc droit, ne charriait point des blocs de protogine ; sa moraine était calcaire comme les montagnes qui le dominent. Or, les contreforts de la vallée de Maglan étant de même