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confluent du premier genre ; les petits glaciers du Thierberg, de Silberberg, du Grünberg, qui viennent se jeter dans celui de l’Aar, nous montrent ce qui se passe dans le second cas. Comparé à celui de l’Arve, le glacier du Bonnant n’était qu’un faible affluent : toutefois il a déposé ses blocs à l’entrée du val Montjoie, où, sur un espace de quelques kilomètres, ils couvrent seuls les flancs de la montagne entre Saint-Gervais et Combloux ; mais en même temps le glacier du Bonnant, refoulant vers le milieu de la vallée la moraine latérale du glacier de l’Arve, a forcé les blocs de protogine de s’éloigner du bord. Aussi, quand le glacier de l’Arve a fondu, ces blocs, au lieu de rester suspendus aux flancs de la vallée de Sallenches, se sont déposés au fond, et nous les trouvons aujourd’hui gisans autour de la gorge occupée par les bains de Saint-Gervais. Nous voyons même devant l’établissement thermal des couches inclinées de cailloux roulés, mélangées de blocs anguleux, preuves certaines de l’ancienne existence d’un petit lac glaciaire semblable à celui du Tacul, qui se trouve dans l’angle formé par la jonction des glaciers du Géant et de Lechaud, affluens principaux de la Mer de Glace de Chamonix.

Au bout de quelques kilomètres, les blocs erratiques déposés par le glacier du Bonnant sont remplacés par ceux de la moraine latérale du glacier de l’Arve, qui reparaît sur les flancs de la montagne et règne sans interruption depuis le village de Combloux jusqu’à la petite ville de Sallenches. C’est au savant évêque d’Annecy, à Mgr Rendu, qu’on doit la découverte de cette moraine. Il avait remarqué avec surprise que la continuité des champs cultivés qui, du fond de la vallée, s’élèvent jusqu’à une grande hauteur, était interrompue par une zone de forêts. En entrant dans l’ombre des noirs sapins, il reconnut immédiatement la cause de cette singularité. Dans cette zone, le sol disparaît sous une accumulation de blocs erratiques entassés les uns sur les autres et s’élevant jusqu’à la hauteur des arbres. Partout on voit des masses de protogine mesurant 10 à 20 mètres dans tous les sens. Les arêtes de ces masses sont aussi vives, les angles aussi aigus qu’au moment où elles se sont détachées des cimes du Mont-Blanc. Non-seulement les arbres ont poussé entre les blocs, mais ils ont envahi les blocs mêmes, et souvent un beau bouquet de sapins et de bouleaux végète, comme une forêt suspendue, sur un socle de granite. Le voyageur a autant de peine à se frayer un passage dans ce dédale que s’il était égaré dans les moraines de la Mer de Glace à Chamonix. Partout où les ruisseaux ont raviné le sol, il aperçoit ce mélange de sable, de cailloux et de blocs anguleux entassés pêle-mêle, qui caractérise les dépôts formés par les glaciers. Ce n’est qu’à la profondeur de plusieurs mètres qu’il trouve les couches schisteuses de la montagne. Les blocs les plus gigantesques de la moraine de Combloux se trouvent à la lisière du bois, au-dessous