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glacier, ces débris participent à son mouvement et marchent avec lui ; mais, d’autres éboulemens survenant pour ainsi dire chaque jour, ils se mettent à la suite des premiers, et tous réunis forment ces longs convois de matériaux qui longent les deux rives du glacier : ce sont les moraines latérales. Un glacier offre souvent plusieurs moraines latérales, parce que les éboulemens tombent sur des points inégalement distans du milieu, et dont la vitesse est par conséquent différente. La plupart des touristes qui ont visité les grands glaciers de la Suisse connaissent ces moraines latérales, et plus d’un se rappelle encore douloureusement les fatigues qu’il a endurées pour franchir ces accumulations de blocs gigantesques. On dirait un rempart élevé par des géans pour défendre l’accès de ces champs de neiges éternelles où la nature a caché le secret des dernières révolutions de notre globe. Après avoir franchi la moraine latérale, le voyageur découvre presque toujours une traînée plus considérable encore, disposée longitudinalement vers le milieu du glacier et qu’on nomme moraine médiane. Elle résulte de la jonction de deux glaciers d’une puissance à peu près égale. À l’extrémité de l’éperon qui les sépare, la moraine latérale gauche de l’un s’adosse à la moraine latérale droite de l’autre. Ces deux moraines latérales se confondent bientôt en une seule, et forment la moraine médiane du nouveau glacier, composé lui-même des deux affluens réunis. Ainsi, à la jonction de l’Arve et du Rhône, on voit les eaux troubles du torrent se mêler au milieu du confluent avec les ondes transparentes du fleuve épuré par son passage à travers le Léman. La moraine médiane participe au mouvement de la partie moyenne du glacier ; après un trajet plus ou moins long, chaque bloc atteint à son tour l’escarpement terminal, roule le long de son talus et s’arrête au pied de ce rempart de glace. Sur le glacier de l’Aar, dont la longueur est de 8 kilomètres, un bloc met cent trente-trois ans à parcourir l’espace compris entre le promontoire de l’Abschwung qui sépare les deux affluens principaux et l’extrémité inférieure. L’accumulation de ces blocs forme une digue concentrique à cette extrémité : c’est la moraine terminale ou frontale qui diffère de toutes celles dont nous avons parlé, en ce qu’elle ne repose pas sur le glacier, mais au-devant de lui sur le fond de la vallée.

Nous connaissons maintenant trois genres de moraines : les unes superficielles, étendues à la surface du glacier, qui se divisent en moraines latérales et moraines médianes, suivant qu’elles sont sur ses côtés ou au milieu, et la moraine terminale, due à l’accumulation des blocs qui tombent de l’escarpement terminal du glacier et reposent sur le sol. Il existe encore un autre genre de moraine, c’est la couche de sable et de cailloux interposée entre la surface inférieure du glacier et le roc sousjacent. Je la désignerai sous le nom de moraine profonde, pour la distinguer des moraines superficielles et terminales.