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mis en français par M. Marcel. Les antiquités n’étaient pas négligées ; le brave Sulkowsky lisait un mémoire sur un buste d’Isis. Pour l’académicien Bonaparte, vice-président de l’Institut (Monge était président), il posa, dans la première séance, six questions : il demandait d’abord quelles améliorations on pouvait introduire dans les fours de l’armée ; la première pensée du général était pour le pain du soldat. Les autres questions étaient celles-ci : « Y a-t-il des moyens de remplacer le houblon dans la fabrication de la bière ? Quels sont les moyens de rafraîchir et de clarifier les eaux du Nil ? Lequel est le plus convenable, de construire des moulins à eau ou à vent ? L’Égypte renferme-t-elle des ressources pour la fabrication de la poudre ? Quel est l’état de l’ordre judiciaire et de l’instruction en Turquie ? » Dans chaque ligne, ne sent-on pas l’homme pratique, l’administrateur, le guerrier ?

Un des savans de l’expédition qui concoururent le plus à toutes les entreprises d’utilité générale fut Conté, qui méritait une popularité plus élevée que celle que lui ont donnée ses crayons. « Aucun obstacle n’arrêtait le génie actif et fécond de Conté, dit M. Biot dans un intéressant article biographique ; il fit des machines pour la monnaie du Caire, pour l’imprimerie orientale, pour la fabrication de la poudre ; il créa diverses fonderies. On faisait dans ses ateliers des canons, de l’acier, du carton, des toiles vernissées. En moins d’un an, il transporta ainsi tous les arts de l’Europe dans une terre lointaine et jusqu’alors presque entièrement réduite à des pratiques grossières ; il perfectionna la fabrication du pain ; il faisait exécuter des sabres pour l’armée, des ustensiles pour les hôpitaux, des instrumens de mathématiques pour les ingénieurs, des lunettes pour les astronomes, des crayons pour les dessinateurs, des loupes pour les naturalistes, etc. ; en un mot, depuis les machines les plus compliquées et les plus essentielles, comme les moulins à blé, jusqu’à des tambours et des trompettes, tout se fabriquait dans son établissement. La physique lui fournit en Égypte plusieurs applications futiles : on lui dut bientôt, par exemple, un nouveau télégraphe, qui était moins facile à établir là qu’ailleurs, à cause du mirage et des autres phénomènes analogues et propres à cette atmosphère, brûlante. On voulut, à propos des fêtes annuelles, donner aux Égyptiens un spectacle frappant, celui des ballons, et il fit des montgolfières. »

J’aime à m’arrêter à tout ce que les Français avaient commencé pour la civilisation de l’Égypte. Cette belle place de l’Esbekieh qui est sous mes yeux, dont l’aspect est déjà presque européen et autour de laquelle s’élèveront de jour en jour de nouvelles habitations franques, cette place était un lac. Les Français l’ont comblé et planté. En me promenant sous cet ombrage que m’envoie ma patrie, je me rappelle qu’à