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formaient les gardes-du-corps ou, comme leur nom l’indique, la ceinture des sultans d’Égypte, qu’ils remplacèrent. Cette ceinture les étrangla. Le Caire ne cessa point, sous les sultans mamelouks, d’être un centre intellectuel et littéraire ; l’école du Caire remplaça l’école de Bagdad. Le fils de Tamerlan, dont la race devait faire fleurir l’astronomie aux bords de l’Oxus, entretenait des relations littéraires et scientifiques avec les sultans d’Égypte. Un observatoire s’élevait sur le mont Mokatam ; une bibliothèque publique fut fondée, et un sultan d’Égypte sembla vouloir imiter les Ptolémées, créateurs du musée d’Alexandrie. Des professeurs furent attachés à cette bibliothèque, appelée maison de la science[1]. Selon le récit, probablement exagéré, des historiens orientaux, la bibliothèque du Caire contenait seize cent mille volumes. Ce qui est certain, c’est qu’elle était fort considérable. On voit que si les musulmans trouvèrent encore à Alexandrie, après César et les chrétiens, quelques livres à brûler, ils remplacèrent largement ce qu’ils avaient détruit.

La prospérité commerciale du Caire était grande sous les Mamelouks. Il y a plus de monde ici, disait le voyageur Frescobaldi, que dans toute la Toscane, et autant de navires qu’à Gênes, à Ancône on à Venise. La richesse des marchands du Caire est exprimée hyperboliquement, dans les Mille et une Nuits, par la mère du jeune Aladin, quand elle lui dit : « Les esclaves de ton père ne le consultent sur la vente d’une marchandise que quand elle vaut au moins mille pièces d’or ; pour une marchandise de prix inférieur, ils la vendent sans le consulter. »

Au temps des Mamelouks, le Caire se trouva en contact avec les plus lointaines populations de l’Afrique et même de l’Asie ; les rois chrétiens d’Abyssinie faisaient demander au sultan d’Égypte de leur envoyer un métropolitain. Les Mongols s’avancèrent contre le Caire ; un jour, on y apporta une lettre d’Houlagou ; le terrible petit-fils de Gengiskan y disait : « Nous sommes les soldats de Dieu, qui nous a créés dans sa colère. Nous avons purifié la terre des désordres qui la souillaient, et nous avons égorgé le plus grand nombre de ses habitans. » Ces sauvages menaces n’intimidèrent pas les défenseurs du Caire. D’autre part, les Mamelouks reçurent plusieurs ambassades de l’Inde, le commerce de l’Égypte attira dans la mer Rouge des marchands chinois ; le Caire, qui était en rapport avec l’extrême Orient par le commerce, fut mis aussi en rapport avec lui par la religion et par la guerre. En 1350, le sultan de Delhi se soumit à l’autorité spirituelle du calife établi au Caire. Plus tard, les soudans d’Égypte envoyaient leurs flottes disputer l’Inde aux conquérans portugais.

Sous les quatre dynasties qui ont régné successivement au Caire, depuis

  1. Quatremère, Recherches sur l’Égypte, I, 475.