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tableau des tribus et des coutumes du Connaught, publié dans le texte original avec notes et traduction par M. O’Donovan, n’eût pourtant pas été déplacé à côté des lois d’Hoel-da de M. Owen. Les annales latines d’Irlande, éditées d’après les manuscrits de Trinity-College par MM. Richard Butler et Aquila Smith, eussent fourni peut-être de précieux supplémens à la vie de saint Patrice, que M. de Courson a tout uniment tirée des Bollandistes. La société de Dublin travaille, il est vrai, dans un esprit un peu égoïste, pour l’agrément personnel de ses propres membres : c’est le fond des mœurs anglaises ; mais elle eût regardé comme un devoir de mettre ses travaux au service d’un homme qui relevait en France l’étendard celtique ; peut-être même dans sa reconnaissance eût-elle pardonné qu’on barbouillât d’un blason féodal ce cher étendard de la race commune. Ç’a été certainement une grande joie au-delà du canal Saint-George quand on a su qu’une classe de l’Institut avait décerné la première de ses récompenses à un historien des peuples bretons. Quelle déception quand on aura lu l’ouvrage !

Et cependant, quelle thèse plus magnifique ! quelle plus grande cause à plaider que cette sombre histoire d’une famille antique entre toutes les familles humaines ! Mais il fallait l’embrasser comme on le promettait ; il fallait, suivant l’épigraphe même de M. de Courson, recueillir les membres épars de cette mère désolée, sparsa mains collige membra tuoe : ; il fallait suivre avec plus de sens et de sérieux la carrière presque fatale de cette dure population qui s’use et s’efface lentement sur le sol de notre Bretagne comme sur celui de l’Irlande, qui disparaît ou perd déjà toute son originalité dans les Highlands et dans les mines de Galles[1]. En 1745, il n’y avait guère qu’un montagnard sur cent qui parlât anglais en Écosse ; c’est tout l’inverse aujourd’hui. Cruelle destinée de ces derniers restes d’un sang aussi vieux que le granit de la terre natale ! Les vrais Gaëls d’Écosse quittent la place pour la faire plus nette aux moutons et au gibier des nobles suzerains de leur pays. Ils émigrent en masse et vont chercher une amère subsistance dans les cantonnemens de l’Amérique du Nord, dans les bois de la Nouvelle-Écosse et du Canada[2]. C’est là qu’expire à présent l’une

  1. Voir sur cette disparition dans le pays de Galles les rapports publiés en Angleterre relativement à l’emploi des enfans dans les mines et manufactures. Consulter notamment un résumé général du travail des commissaires : The Physical and moral condition of the Children and young persons employed in mines and manufactures, p. 100. Londres, 1843. — M. de Courson eût encore appris là sur son sujet beaucoup plus qu’il ne pense. Il eût aussi trouvé du profit à lire les rapports adressés au conseil d’éducation sur l’état moral des mineurs de Cornouailles et de Galles : Minutes of the committee of council on education (voyez les deux volumes de 1839-1840, 1810-1841) ; mais M. de Courson avait résolu de s’en tenir partout et pour tout aux lois d’Hoel-da.
  2. On peut voir sur cette déplorable émigration les plus affreux détails dans le livre si intéressant du général David Stewart : History o f the Highland régiments.