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encore, il y a quelques années, dans les rues du Caire, sont arabes, ou du moins, quelle que soit leur patrie primitive, ont été transportés au sein des mœurs et de la vie arabes, et rédigés au Caire, dans la forme qu’ils ont présentement, vers le commencement du XVIe siècle ; on ne peut placer plus tard l’époque de cette rédaction, car il n’y est question ni de la pipe, ni du café. A cela près, il est impossible d’imaginer un tableau plus fidèle ; à chaque pas que l’on, fait dans les rues du Caire, on retrouve quelques-unes de ces vieilles connaissances que l’on doit aux beaux contes de Scheerazade. C’est un marchand assis les jambes croisées, un barbier, un portefaix, un derviche qu’on a rencontrés quelque part chez M. Galland. De chacune de ces fenêtres grillées, on s’attend à voir descendre le mouchoir parfumé, qui tomba aux pieds d’Azis, en même temps qu’une jolie main et deux yeux de gazelle se laissaient voir à travers le treillage du balcon. Seulement il faut convenir que les mœurs, les habitations, les costumes, ont dans les récits de Scheerazade une fraîcheur et un éclat que le Caire offrait encore au commencement du XVIe siècle, et que depuis la conquête des Turcs il n’a jamais recouvrés. C’est bien l’élégance de l’architecture arabe, mais les maisons sont souvent délabrées ; c’est encore la forme pittoresque du vêtement, mais l’opulence a disparu, la misère en turban et en voile s’offre partout aux regards. La page des Mille et une Nuits qu’on a sous les yeux est une page salie et déchirée.

La vie orientale ne se retrouve aujourd’hui avec toute sa splendeur que dans l’intérieur des maisons, où les voyageurs ne peuvent pénétrer. Heureusement les touristes féminins, qui abondent chaque jour davantage, sont en état de remplir et ont déjà très agréablement rempli cette lacune. Lady Montague avait donné l’exemple pour Constantinople ; mistriss Poole l’a suivi pour le Caire. Sœur de M. Lane, auquel on doit l’ouvrage le plus solide sur les Égyptiens modernes, elle a complété avec beaucoup de bonheur le précieux travail de son frère. Dans un aimable petit livre intitulé l’Anglaise en Égypte, on retrouve les toilettes merveilleuses, les monceaux de bijoux, les repas féeriques, les belles esclaves, tout le harem enfin ; c’est dans le harem que se réfugie et se cache encore ce que la vie orientale a de plus exquis et de plus radieux.

On s’est fait long-temps en Europe une idée bien fausse de la condition des femmes en Orient ; on parle encore de leur réclusion, tandis qu’elles sortent tous les jours pour aller au bain : or, les bains sont pour elles ce que les clubs sont pour les hommes en Angleterre ; elles vont les unes chez les autres passer des journées entières, elles visitent les bazars. A Constantinople, les dames d’un rang élevé sortent en arabas, espèce de carrosse traîné par des bœufs. Au Caire, on les rencontre, précédées de leurs esclaves qui font ranger la foule devant elles, montées