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M. de Courson l’oblige à laisser là les fastes interrompus des Carovingiens et à venir derechef avec lui « prendre son point de départ à la chute de l’empire romain. » Que dis-je ? ce n’est point encore assez remonter. « Prenons les choses de haut, s’écrie-t-il soudain, appelons César à notre aide, » et nous retombons de plus belle, au début du second volume, dans ces institutions bretonnes qui avaient déjà inauguré le premier, et nous nous perdons de plus en plus dans les complications sans fin de la clientelle et du vasselage ; sur nouveaux frais nous nous remettons en quête de ce berceau féodal où M. de Courson veut absolument coucher l’enfance de l’humanité.

Il se rencontre ainsi dans un ouvrage, qui était pourtant susceptible de quelque unité, un principal sujet successivement traité de deux manières : cela se voit quelquefois dans l’œuvre des grands peintres, mais beaucoup plus rarement dans les mémoires académiques. La seconde manière de M. de Courson, dans cette grave question des institutions primitives, a du moins l’avantage de la simplicité ; il analyse purement ce précieux volume de M. Owen, il en copie des chapitres entiers, nous avertissant d’ailleurs, avec une incroyable naïveté, que c’est là le résultat d’investigations « longues et persévérantes. » Je suis juste cependant, et, pour qui peut lire le gallois dans l’original, il doit être fort agréable de retrouver le texte même d’Hoel en bas des pages, quelquefois même intercalé sans trop de disparate dans le propre style de l’auteur français ; il y a là certainement la matière d’un parallèle instructif entre les dialectes bas-bretons[1]. Tout finit pourtant, même un commentaire. M. de Courson, arrivé au bout du sien, juge alors à propos de coudre à cette dissertation spéciale qu’il termine une autre dissertation encore plus à part sur les origines de la noblesse et de la féodalité en général. Est-ce enfin assez de digressions ? Chose singulière ! à peine sommes-nous réellement rentrés dans l’histoire de Bretagne, que nous voilà, comme devant, rejetés d’un bond à l’établissement même du christianisme, et qu’à propos des croisades, on nous édifie longuement sur la légitimité, l’utilité, la nécessité du pouvoir temporel des papes ; il y en a là pour un chapitre. Par bonheur, nous ne sommes cette fois ramenés qu’à Constantin ; mais, par compensation, nous quittons les papes eux-mêmes pour la biographie de Robert d’Arbrissel, et celle-ci pour une étude critique et pittoresque d’Abélard, l’Abélard de M. de Rémusat, s’entend. Puis, M. de Rémusat une fois passé par les verges, M. de Courson se souvient qu’il n’a point achevé selon son gré le tableau de la féodalité, et, sous air d’appliquer

  1. Voici un simple specimen de ce style peu attrayant : « La loi assurait seulement un tyddyn avec douze erws de terre à chaque uchelwer et huit erws à chaque bonhedig cynwhynol (ingenuus), etc., etc. » (II, 28.) Il y a des pages entières de cette rude lecture, et quelquefois M. de Courson oublie de traduire.