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THÉODORIC ET BOËCE.


Histoire de Théodoric, roi des Ostrogoths,
par M. Le marquis du Roure.[1]


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Montesquieu voulait écrire l’histoire de Théodoric ; il avait été frappé de cette sorte de grandeur philosophique imprimée aux lois, aux institutions, à tous les actes de ce chef de barbares. Cette lueur imprévue de la raison humaine au milieu de l’obscurité profonde qui va suivre, ce conquérant du Ve siècle qui naquit l’année où mourut Attila et qui décrète l’égalité des vainqueurs et des vaincus, ce roi arien laissant librement élire un pape hostile à sa cause ; ce chrétien, nouveau converti, rendant des édits de tolérance en faveur des Juifs ; ce barbare qui, selon plusieurs historiens, ne savait ni lire ni écrire, protecteur passionné des lettres et des sciences : il y avait là tout ce qui pouvait tenter un écrivain philosophe. Montesquieu étudiait les origines de notre histoire à l’époque correspondante ; il était vivement frappé du contraste : Clovis et Théodoric, ces deux personnages contemporains, semblent séparés par des siècles. Le premier est bien le roi de ce moyen-âge qu’il inaugure ; ses mœurs sont les mœurs de son temps ; sa morale, sa législation, ses exploits, sont dignes, dans le bien comme dans le mal, du chef de ces illustres barbares, nos aïeux, qui fondèrent la monarchie française. On dirait que l’autre appartient à une civilisation perfectionnée par le progrès des âges. Ce chef des Ostrogoths, qui conquiert l’Italie au Ve siècle, semble avoir été à l’école des philoso-

  1. Deux volumes in-8o, chez Techener, Paris, 1846.