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était un large approvisionnement d’eau : la dérivation de la Durance y pourvoira et, lorsque 20 millions y sont déjà engagés, il n’est plus temps d’examiner si l’on n’aurait : pas pu se procurer, dans le bassin de l’Huveaume, les mêmes avantages à moins de frais. Enfin, quand Marseille égalera Rome par l’abondance de ses fontaines, elle devra chercher à lui ressembler par ses égouts. Le port est aujourd’hui le réceptacle de toutes les immondices de la ville chaque orage qui éclate les y précipite par torrens ; l’envasement du bassin et l’infection de l’air avancent en même temps ; et les embellissemens ne peuvent venir qu’après les remèdes réclamés par la navigation et la salubrité publique. Heureusement ces bassins que l’on creuse, ces digues qui s’avancent du rivage à la conquête d’un nouveau port, ces quais qui s’allongent et s’élargissent, assurent à l’avenir des ressources municipales que ne connut jamais le passé, et la ville peut tenir tout ce que sont en droit d’attendre d’elle la France et le commerce du monde.

Un chemin de fer est projeté entre Marseille et Toulon ; il unira notre premier port de commerce à notre premier port de guerre. Un mouvement acquis de 200,000 voyageurs par an promettrait à cette entreprise une base suffisamment large, si les montagnes placées sur la ligne à parcourir opposaient au tracé de moins grands obstacles. Mais l’industrie et l’agriculture du pays sont trop loin d’être saturées de capitaux pour qu’il soit désirable de voir prochainement ceux-ci les quitter pour les chemins de fer ; les expériences faites dans des circonstances analogues en France ’ et en Angleterre sont de nature à inspirer de sérieuses réflexions.

Deux tracés étaient praticables pour la route de terre : l’un, beaucoup moins accidenté et mieux approprié aux intérêts du commerce, rapproché de la mer et touchant les ports de la Ciotat, de Bandol et de Saint-Nazaire ; l’autre, défendu des entreprises des marines ennemies par les hautes montagnes qui forment la côte, franchissant des crêtes élevées et pénétrant dans la plaine de Toulon par les gorges d’Ollioule. Le tracé le plus militaire a été préféré avec raison.

L’un et l’autre se confondent de Marseille à Aubagne. L’art des irrigations est poussé très loin dans la belle vallée de l’Huveaume que suit la route ; on n’y hésite pas à payer 72 francs par an l’eau nécessaire à un hectare, et cet exemple montre quel parti l’on tirerait, sous ce même ciel, de tant d’autres cours d’eau qui portent à la mer le tribut qu’ils devraient à l’agriculture. A Aubagne s’embranche une route, depuis peu terminée, qui serpentant sur des roches nues, s’élève sur le plateau de Rochefort et en redescend vers la Ciotat. Le plateau est couronné d’un vaste dépôt de calcaire marneux, dans lequel s’exploite près de la route un ciment qui paraît valoir celui de Pouilly : cette formation descend, comme pour se mettre à portée de nombreux travaux hydrauliques à faire sur la côte, jusqu’au port voisin de Cassis.