Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à terre donnent la mesure du mouvement qui règne sur la mer. La vallée de la Garonne n’offre pas un spectacle aussi animé : sauf Moissac et Montauban, pour trouver un centre d’activité de quelque importance, il faut remonter jusqu’à Toulouse, qui, sous ce rapport, n’est pas comparable à Lyon : dans les villes de ce beau pays, le loisir semble être la coutume ; Bordeaux même ressemble moins à la métropole commerciale d’une grande province qu’à la capitale d’un état de second ordre, et l’étranger cherchera plutôt dans les hôtels qui la décorent des hommes distingués par l’élégance de leurs habitudes que de simples et laborieux négocians.

Ces différences disent très haut que le travail national est le plus solide aliment du commerce maritime : il lui procure des consommateurs qui sont en état de payer. Toute entreprise agricole ou manufacturière qui réussit dans le rayon d’approvisionnement de Marseille ajoute, si humble qu’elle soit, au chargement de quelque navire, et le pays semble avoir pris à tâche de prouver que la première condition de la prospérité d’un port, c’est d’être entouré d’une population énergiquement laborieuse.

Les résultats obtenus à Marseille se recommandent à l’attention des hommes sincères qui s’attachent à naturaliser en France les doctrines des Anglais sur le libre échange, doctrines que ceux-ci ont soin de ne mettre en pratique chez eux qu’autant qu’ils ont à y gagner, mais dont il leur importe beaucoup de persuader aux autres l’excellence universelle. Il serait curieux d’étudier, en présence des faits accomplis, si l’exclusion de la protection aurait ici produit beaucoup mieux que ce qu’on a. Le contrôle des faits n’est pas à dédaigner sur ces matières ; le régime commercial d’une nation n’est point une philosophie, et les théories dont il est le sujet n’ont de valeur que celle des effets auxquels elles conduisent.

Quoi qu’il en soit, le régime de protection de l’industrie nationale n’a point comprimé à Marseille l’essor du commerce extérieur : il ne faut, pour s’en convaincre, que descendre dans la ville et regarder autour de soi. Des livres, des mémoires très dignes d’éloges peuvent être consultés sur ce sujet ; mais les personnes chez qui la confiance dans la statistique n’exclut pas un peu de défiance des statisticiens préféreront peut-être une mesure des progrès de ce commerce, dont l’expression soit brève et l’exactitude incontestable ; elles la trouveront dans les comptes des recettes du trésor publie. Cette mesure n’est autre que le tableau du produit des douanes de la direction de Marseille depuis la paix : il était

 Francs
  En 1810, année de guerre, de          
  3,291,800
  En 1515, année de guerre et de paix, de          
  4,953,165
  En 1820, année de paix, de          
13,096,610