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avec les bateaux du Rhône et du canal de Languedoc, qu’il entendait prolonger. Une des pensées les plus constantes de sa vie était de féconder l’une par l’autre la navigation intérieure et la navigation maritime, et, pour en faire l’application, il ne pouvait pas choisir de meilleure place que celle-ci.

A peine élevé au consulat, Napoléon reprenait ces projets de Vauban. Par un traité du 6 juin 1801, il assurait l’achèvement du canal de Beaucaire, destiné à lier au Rhône le canal du Midi ; commencé par les états de Languedoc en 1773, ce canal avait été abandonné pendant la révolution. Le 4 août 1802, le consul faisait entreprendre le canal d’Arles à Bouc : suspendus en 1813, les travaux en ont été repris en vertu de la loi du 14 août 1822, et n’ont été terminés qu’en 1834. La dépense totale a été de 11,476,000 fr. au lieu de 9,200,000 fr. montant des projets primitifs, et cet excédant sera trouvé modéré, si l’on tient compte des difficultés imprévues qui se sont rencontrées dans l’exécution. Tout en rendant de grands services à l’industrie qui se développe sur ses bords, ce canal n’a point atteint son but sous le rapport maritime ; fréquenté par des barques, il n’a point assez d’eau pour les navires, et, malgré son secours, la marine d’Arles est restée ce qu’elle était. Il semble, à l’état hydraulique du pays, qu’un remède simple est sous la main des ingénieurs, et l’approfondissement du canal satisferait, en effet, à tous les besoins. Malheureusement les terres vaseuses au travers desquelles il est ouvert ne font que recouvrir un banc de poudingue qui est la base de la formation de la Crau, et c’est dans cette roche d’une extrême dureté qu’il faudrait creuser à la poudre la place de la tranche d’eau nécessaire à la navigation maritime. Pour lui donner un mètre de profondeur de plus, il en coûterait 28,000,000. Il serait beaucoup plus économique de creuser un autre canal. Cette conclusion est celle à laquelle de sérieuses études ont amené M. Poulle, ingénieur en chef de cette navigation. Il a proposé en 1843 d’approfondir d’un mètre sur une longueur de 12,000 mètres, à partir du port de Bouc, le canal actuel, et de le diriger ensuite vers le Rhône en sortant du banc de poudingue et en suivant la lagune du Bras-Mort, reste de l’ancienne Fossa Mariana. La distance de Bouc au Rhône serait, dans ce système, de 21,245 mètres, et celle de la prise d’eau à Arles de 28 kilomètres ; ces deux longueurs réunies excèdent peu celle du canal actuel. M. Poulie évalue, avec la parfaite expérience qu’il a du terrain, la dépense à 8,000,000. Faut-il se contenter, comme lui, de 3 mètres d’eau, ou aller jusqu’aux douze pieds que réclamait Vauban et que comporte le régime du Rhône ? C’est là une question digne de la plus sérieuse attention, et les nouvelles exigences de la navigation à vapeur viennent, dans cette circonstance, fortifier la grande autorité de l’opinion de Vauban. Une chose est certaine, c’est qu’avec les nouvelles conditions où le chemin