Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/792

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la transformation que l’industrie humaine a commencé à lui faire subir, cette contrée est au plus haut degré digne de la sollicitude de l’administration ; aucune autre ne paiera par de plus grands résultats les sacrifices dont elle sera l’objet.

Pour l’étudier, il est nécessaire de sortir des murs d’Arles.

La partie de l’arrondissement d’Arles située sur la rive gauche du Rhône consiste en un terrain d’alluvion déposé au pied de la formation calcaire et montueuse qui, des Alpes maritimes au port de Bouc, constitue la côte de France. Les Alpines que ce terrain enveloppe, et quelques îlots voisins, sont les seules roches qui le percent. Il forme un quadrilatère dont l’angle supérieur est à la prise d’eau du canal des Alpines dans la Durance, et qui est borné au nord sur une longueur de 45 kilomètres par cette rivière, à l’ouest sur 74 kilomètres par le Rhône. Le côté oriental a, de la prise d’eau à la mer, 40 kilomètres, et de son extrémité à l’embouchure du grand Rhône on en compte 12. De ces quatre sommets d’angles, les deux derniers sont au niveau de la mer ; le confluent de la Durance et du Rhône est à 12 mètres 29, et la prise d’eau du canal des Alpines à 139 mètres 91 au-dessus de ce niveau. Ainsi, considéré dans son ensemble, ce territoire présente, de la Durance à la mer, un plan incliné dont toute la surface, sauf les Alpines, pourrait être inondée par cette rivière, et en effet, dans des temps reculés, celle-ci a sillonné ce vaste espace.

Lorsque les grands courans descendus des Alpes ont creusé la vallée de la Durance, une immense coulée de cailloux roulés s’est précipitée, par la coupure de Lamanon qui sépare la chaîne des Alpines de la grande formation calcaire, dans l’angle à peu près droit, alors occupé par la mer, qu’elles forment entre elles. Ce dépôt pierreux, dont l’épaisseur paraît être de 60 à 80 mètres, est la Crau, le Campus lapideus des anciens. Son sommet est à Lamanon ; il s’incline régulièrement du nord-est à l’ouest et au sud, et se termine parallèlement au Rhône et à la mer par une arête élevée de 20 à 25 mètres au-dessus de leur niveau.

La Durance a d’abord frayé son chemin droit au sud par cette même coupure de Lamanon ; elle tombait dans une baie ouverte au nord du golfe de Fos, le long du gisement des étangs de l’Olivier, de la Valduc, d’Engrenier, et trouvait à 30 kilomètres environ du point de départ le niveau de la mer, auquel ses eaux arrivent aujourd’hui par un détour quatre fois plus long. L’esprit s’effraie au calcul de la force qu’elle déployait lorsque, dans ses grandes crues, une masse de 6,000 mètres cubes d’eau descendait par seconde d’une hauteur de 140 mètres sur ce court espace. De telles cataractes devaient remuer profondément un terrain de cailloux, en entraîner les couches supérieures, et les jeter en vastes bancs sur le plan incliné au bas duquel leur impétuosité s’amortissait